C'est un fait assez méconnu que la chanteuse a vécu brièvement dans la cité nord ligérienne. Un square y porte d'ailleurs son nom. René Fessy, président du Liger club de Roanne, nous en apprend plus à ce sujet.
Barbara fit une courte escale à Roanne en 1938. Elle l’évoque dans ses mémoires.
Roanne fut une des premières étapes de la famille de Monique Serf. En 1938, celle qui deviendra Barbara - elle n’avait alors que 8 ans -, ses parents, son frère Jean, accompagnés de Madame Hava Brodsky, sa grand mère maternelle, ont posé leurs valises pour quelques mois seulement, dans un modeste immeuble de 3 étages, situé au 26 de la rue Mulsant (à l’angle de la rue Waldeck Rousseau), dans un des quartiers ouvriers de la sous-préfecture. C’est là où naîtra, en août de la même année, sa sœur Régine. Elle aurait aussi habité rue Carnot (?).
Quand elle devait parler de son enfance, Barbara déclarait : "Je ne me souviens de rien, je n'ai pas eu de passé. Tout ce qui m'intéresse, c'est mon présent. Mon enfance ne m'intéresse pas". Pourtant dans ses mémoires “Il était un piano noir”, elle parle de Noël à Roanne seul et unique souvenir en famille : “Un 24 décembre, par un froid de pierre, on nous emmena à la messe de minuit. Au retour, ma grand-mère, nous attendait à la cuisine avec une orange, un chocolat chaud fleurant bon la cannelle, et des morceaux de sucre candi servis sur une petite soucoupe bleue. Quelle douceur ! »
Ce temps passé à Roanne relie Barbara au souvenir de sa grand mère maternelle, qui était la seule à prendre le temps de l'écouter. Elle avait vu le jour, comme sa mère, à Tiraspol’, en Moldavie. “ Que j’aimais ma grand-mère ! Elle était toute menue, avec des pommettes très hautes des grands yeux noirs, des mains très fines. Elle sentait le miel et me préparait des pâtisseries aux blonds raisins de Corinthe, des strudels aux pommes et aux noix pilées. Elle me consolait de tout. Je grimpais sur ses genoux, me calais au creux de son épaule : je suis ta préférée, Granny ? Raconte quand tu était en Russie ... pour la remercier, je m’assieds devant la table et, sur mon clavier imaginaire, lui joue ma musique”.
On était à la veille de la Seconde Guerre mondiale, c’était la pauvreté et le froid à Roanne. “ Je suis habillée de robes d’adultes que je déteste; retaillées sur mon corps de petite fille. Il y a eu aussi des huissiers, qui sont des gens très matinaux ! j’ai même vu un jour disparaître tous nos meubles, sauf le lit de mes parents, et, Dieu merci, la grande table sur laquelle j’inventais et pianotais toutes mes musiques” … “Je hais, depuis le mot argent, la tricherie et le mensonge. J’ai le goût de la vérité, de la mienne ! “... “J’ai gardé surtout le souvenir d’avoir eu très froid, dans notre maison et à travers la ville que je traversais durant l’hiver glacial, sans gants, les doigts bleuis, douloureux “ ...
Septembre 1939 : départ pour le Vézinet, dans la banlieue parisienne, où vivait Jeanne Spire, sa grande tante paternelle : “ Nous avons quitté Roanne en famille en déménageant à la cloche de bois à bord d’une vieille Oldsmobile vert foncé dont je ne me remémore l’existence qu’en cette occasion que je trouvais splendide. Je me suis souvent retournée, cette nuit-là, pensant que nous étions poursuivis, et je ne sais toujours pas aujourd’hui si j’en éprouvais de la crainte ou du plaisir.”
Dans ses mémoires inachevées, éditées à titre posthume, elle évoque aussi l’inceste dont elle a été victime et dont elle préférait se taire. Bien des choses ont transpiré, malgré elle, dans ses chansons qui lui ont permis ainsi d’évacuer ses angoisses. C’est en particulier le cas de “Mon enfance”, une chanson autobiographique, l’une de ses plus belles, qui la fait se remémorer sa jeunesse. Elle sera interprétée, ainsi que “Göttingen” où pour Barbara “tous les enfants sont les mêmes”, lors de l’hommage qui lui sera rendu à Roanne, le 24 novembre prochain, à l’occasion du 20ème anniversaire de sa disparition.
Le square auquel son nom a été donné est situé rue Raoul Follereau, à l’arrière de l’Hôtel de Ville. Il a été inauguré le 10 juillet 1999 par le maire Jean Auroux.
Illustrations: capture d'écran et photos/dr