Voici donc, avec plusieurs mois de retard, la nouvelle exposition du Musée d'art et d'industrie de Saint-Etienne. Celui-ci, avec quelque 3000 pièces de toutes sortes, compte la plus grande collection d'armes après le musée de l'Armée à Paris.
L'exposition temporaire « Armes pour cible, entre répulsion et fascination », n'expose, concernant les armes, que des armes à feu, longues, de chasse ou de guerre, et des lanceurs de balles de défense. Elle vient en complément de l'exposition permanente et couvre la période de 1820 à nos jours. 1820 est l'année qui vit Claude Verney remporter le premier prix d'un concours. Diane, la déesse de la chasse que le fondateur de l'entreprise stéphanoise avait alors sculptée sur une crosse, sert logiquement de fil conducteur.
« Nous avons voulu porter un regard d'historien, de sociologue, d'ethnologue qui va au-delà de la technique pour interroger la place de l'arme dans l'histoire de notre ville, ses usages au fil du temps, la perception que porte sur elle la société... », explique la directrice et commissaire Marie-Caroline Janand.
Le parcours est décliné en six parties. Il s'effectue d'une manière chronologique et met en relief la situation locale avec l'histoire nationale et mondiale. L'exposition évoque la législation (droits de port d'arme et de chasse ou celle, très conséquente, interdisant aux armuriers français la production des armes de guerre), l'interchangeabilité des pièces comme tournant de la mécanisation, l'importance des concours et des expositions pour montrer son savoir-faire, les crises et les guerres successives, la concurrence étrangère vis à vis de Gaucher, Manufrance...
Le musée a bénéficié de nombreux prêts, objets d'art, peintures, etc., en provenance du musée de la chasse de Gien, du musée d'histoire d'Evreux... Sont exposés des chefs-d'oeuvre, ainsi ce fusil d'Houllier Blanchard incrusté d'or par Jean-Claude Tissot, présenté à Paris en 1855. Un tigre du Bengale naturalisé en provenance du museum d'histoire naturelle de Grenoble illustre les colonies comme débouchés à la production d'armes de chasse de gros calibre. Il y a évidemment de nombreuses armes prêtées par Verney-Carron, par exemple le Franchi, fusil de chasse semi-automatique des années 60 (en association avec l'entreprise italienne). Mais pas que. Un pédalier de bicyclette des années 1930, une raquette de tennis, rappellent que la société dut s'adapter dans l'attente de temps meilleurs pour sa production traditionnelle.
Comme son titre l'indique, l'exposition voudrait faire s'interroger le visiteur devant l'arme comme « sujet sensible ». Le terrorisme des années de plomb (années 70-80) a fait de l'arme à feu un symbole de violence dans la société civile, souligne Marie-Caroline Janand. Et alors qu'émergeait le mouvement écologiste, la chasse est devenue de plus en plus sujet de polémiques. De nouvelles pratiques se sont développées pour tirer sans tuer. Du côté des forces de l'ordre, l'emploi des armes dites non létales, et les dommages qu'elles ont occasionnés, ont été très fortement médiatisés lors de la crise des Gilets jaunes. L'expo se veut encore un tantinet décalée en présentant des objets insolites: un flash-ball plaqué or, des sculptures en fil de fer de l'artiste stéphanois Julien Mounier, une affiche publicitaire Verney-Carron des années 70 présentant la chasse comme une affaire d'homme. Celle-ci avait d'ailleurs été publiée dans... Playboy. En jouant la carte humoristique, elle montre deux matrus qui comparent leurs « armes » (pénis). Ce que de tous temps, les hommes ont aimé faire, dit l'affiche. Ou la Guerre des boutons en attendant de pouvoir « tirer une cartouche »...
Jusqu'au 3 janvier 2021
Lire aussi (quelques expos anciennes du MAI):
> Le France débarque à Saint-Etienne (2013)
> Vélocipède, objet de modernité (2008)
> Une plongée étourdissante dans l'aventure du cycle stéphanois (2014)