Monday, December 11, 2023
Environ 200 personnes, des proches, des anciens compagnons de lutte, militants ou ex-militants de divers syndicats, notamment de la CGT métallurgie, étaient réunis à la Bourse du travail de Saint-Etienne le samedi 26 janvier pour rendre un dernier hommage à Maurice Combe.

Maurice Combe avait exprimé le souhait que ses funérailles soient célébrées à la Bourse du travail, haut lieu de la solidarité. Ses proches et ses camarades lui ont dit merci "pour toutes les luttes menées pour la classe ouvrière". Des textes du défunt ont été lus, dans lesquels il remerciait lui-même la classe ouvrière de l'avoir conduit à la foi. Un texte sur le Chemin des Dames a été chanté, en souvenir du père de Maurice Combe, tombé en 1917 durant la bataille. Des passages du Magnificat ont aussi été lus et l'Internationale a été diffusée.

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Maurice Combe, debout devant "l'Homme de bronze" s'adresse aux travailleurs
Années 60, Saint-Etienne
Nous ne savons pas qui est l'auteur de cette photographie.


Décès de Maurice Combe
Brève précédente

La CGT nous apprend la disparition d' '"un militant ouvrier important et exemplaire ". Bien que nous ne l'ayons jamais rencontré, le nom de Maurice Combe ne nous était pas inconnu. Félix Franc avait évoqué son ami dans l'entretien qu'il nous avait accordé, et c'était un de nos vieux projets, toujours repoussé, que d'aller lui rendre visite afin de lui consacrer un article sur nos pages.

Quand on évoque l'aventure des prêtres ouvriers à Saint-Etienne, il est deux noms en particulier qui reviennent: Joseph Gouttebarge et Maurice Combe. Chargés par l'Eglise d'approcher le monde des travailleurs, pour mieux combattre l'influence du marxisme, les prêtres ouvriers intégraient les usines dans les mêmes conditions que les "prolos".  Joseph Gouttebarge fut embauché à l'usine Barroin, plus tard absorbé par Creusot-Loire.  Combe, pour sa part, entre en 1949 dans le monde ouvrier par la porte de l’usine Schneider. Félix Franc, joint au téléphone, nous rapporte que son ami y a connu "la misère et la fraternité". Tous deux adhèrent à la CGT et deviennent même délégués du personnel, mais en 1954, dans le contexte de la guerre froide, le pape Pie XII décide de mettre un terme à l'expérience des prêtres ouvriers. Ils reçoivent l'ordre de se retirer des usines et de regagner les paroisses. Ils sont alors une centaine en France, et l'Église craint leur "contamination" par les idées communistes. La plupart obéissent et démissionnent de leurs emplois, mais quelques-uns restent au travail. Maurice Combe et Joseph Goutebarge furent de ces insoumis, exclus de l'Eglise.*

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" Maurice venait d’un milieu commerçant, catholique traditionnel et en devenant prêtre, il a de suite choisi son camp, écrit la C.G.T. C’était celui des pauvres, des prolos, pour lesquels il a toujours affirmé son engagement définitif. Maurice, avec son camarade Jo Gouttebarge, sont restés fidèles à leur engagement, malgré les pressions importantes de tous ceux qui n’avaient pas accepté leurs orientations."

En 1964, l'année où meurt Joseph Gouttebarge, Maurice Combe fait partie d'une fournée de plusieurs centaines de licenciements économiques au sein de la S.F.A.C (Schneider). "Ces licenciements étaient une première, ils avaient scandalisé la population stéphanoise ", rappelle la CGT. Maurice Combe prend une part importante dans ce conflit. Secrétaire du Comité d’Etablissement et secrétaire du Comité Central de l’entreprise, il conduit la réplique des travailleurs face à ce qui n'est encore que les prémices d'une liquidation totale du potentiel économique et humain métallurgiste dans notre département (Creusot-Loire, Manufrance, ARCT...).

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Il fut encore un intellectuel de très haut niveau. Il a notamment dirigé des études dans le cadre du CNRS pour suivre les effets des licenciements sur les salariés.** Dans les années 50, il avait été l'ami de Jean Dasté dont les activités étaient soutenues par l'UD-CGT. Des comités d'entreprise achetaient des spectacles, permettant, à des travailleurs d'assister, pour la première fois et à des prix abordables, aux séances de la Comédie.

" Refoulé par beaucoup, Il a fini sa vie de travail dans le bâtiment où les patrons le connaissaient moins", écrit la CGT. Il s'est éteint "en pleine lucidité, avec la même détermination. Insoumis, fidèle à sa solidarité totale, permanente avec la classe ouvrière".

Une autre personne qui l'a beaucoup cotoyé dans les dernières années de sa vie, jointe par téléphone, évoque "un homme qui n'a jamais recherché les honneurs, qui n'était pas un arriviste, un homme de grande ouverture, pour qui l'idée de justice était vitale" et qui a gardé jusqu'à la fin " sa force de pensée et la jeunesse du coeur".

"Et qui a gardé une foi profonde, poursuit-elle, existentielle, réelle, une foi enracinée dans l'homme; cette idée en lui qu'ils avaient la capacité de prendre leur destin en main et de l'accomplir."

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Notes:

* Le second fut condamné publiquement par monseigneur Gerlier, archevêque de Lyon. Il avait adhéré au PC, mais pas Combe.

** Maurice Combe a aussi écrit deux ouvrages: "L'Alibi, vingt ans d'un Comité d'entreprise" et "Fidèle insoumission".