Dans les PTT, la situation sociale précédant la grève d'octobre-novembre 1974 était explosive.
Les conflits locaux se comptaient par dizaines et portaient sur les conditions de travail, l'augmentation des salaires et des effectifs, la défense du service public et du statut, la titularisation des auxiliaires. Dans notre département, pour le seul mois de juin, en pleine période de congé, cinq conflits majeurs eurent lieu, avoisinant les 100% de participation:
- grève à  saint-Etienne-Fauriel (2e bureau distributeur du département)
- au central téléphonique (service fortement féminin)
- des télégraphistes (moyenne d'âge du personnel 18 ans)


Prétextant l'arrivée de l'informatique, le ministère (de Pierre Lelong, ndFI) supprimait des milliers d'emplois. Giscard d'Estaing était favorable à  la privatisation et à  la séparation de la Poste et des Télécommunications. La CGT et la CFDT décidèrent de coordonner l'action engagée dans chaque catégorie.

L'explosion


Après le PLM (centre de tri parisien) où, face au refus du directeur de les recevoir, les personnels ont décidé le 17 octobre la grève immédiate pour une durée illimitée, le mouvement s'étend dans la Loire à  partir du 20 octobre. Tour à  tour, tous les services sont touchés: centre de tri, distribution, guichets, services téléphoniques. En moins d'une semaine, réunis en assemblée générale, les personnels décident la grève. La rapidité, la participation et les conditions de son développement montrent immédiatement l'ampleur du mécontentement et la détermination du personnel. Les revendications énoncées précédemment sont au coeur du conflit, en particulier la question des salaires. Le syndicat départemental CGT appelle dès le début du conflit ses syndiqués et l'ensemble du personnel à  se réunir et à  élaborer des cahiers de revendications locales et à  les déposer auprès des chefs d'établissements et à  la Direction départementale.


Lutte

Durant les cinq semaines de grève, le même scénario se reproduira jour après jour. La journée débute par un piquet de grève devant les établissements. Puis, service par service, les personnels se prononcent par vote sur la poursuite du mouvement avant de rejoindre la salle Sacco-Vanzetti de la Bourse du Travail de saint-Etienne, toujours comble. Chaque jour, des militants représentant les différentes organisations syndicales vont informer les personnels des bureaux les moins organisés sur l'évolution du conflit. La participation de ces agents peu syndicalisés, soumis à  la pression de la direction, sera plus faible que dans les grands centres, pourtant pratiquement l'ensemble des bureaux débrayeront, y compris la Direction départementale de la Poste avec des temps forts de plus de 80% de grévistes... Du jamais vu aux PTT.  Ensuite, à  partir de 9-10 heures du matin, des AG intersyndicales de tous les services et bureaux sont organisées à  Roanne et Saint-Etienne. Un vote sur la poursuite du mouvement clôture chaque AG.  La matinée se termine par une manifestation dans les rues des deux villes. Députés, maires, conseillers généraux sont "harcelés" par les demandes d'audiences...


Interpro et solidarité


Dès les premiers débrayages, Joseph Sanguedolce, secrétaire général de l'UD CGT, est informé en permanence. Son analyse de la situation rejoint celle des militants et son implication, très appréciée, lui vaudra un large soutien des postiers stéphanois lors des élections de 1977. Le soutien de l'interpro, sous toutes ses formes (financière, manifestations, pétitions...), jouera un rôle moteur dans l'enracinement du conflit. La population est en général solidaire du mouvement. De jeunes agriculteurs vendront aux grévistes de la viande et des pommes de terre à  prix coûtant.


Patronat, gouvernement, même combat

La Chambre de Commerce de Saint-Etienne organise un centre de tri du courrier commercial et industriel, et une manifestation en voitures dans les rues de la ville. Elle multiplie les communiqués alarmistes et crie à  la grève politique. Les forces de police évacuent le centre de tri occupé et les directions de la Poste et des Télécoms tentent des pressions sur le personnel en rappelant l'irrégularité de la grève sans préavis. A Paris, les négociations piétinent. Jacques Chirac, Premier ministre, compte sur le pourrissement du conflit et surtout sur la désunion syndicale. La fédération FO et A. Bergeron refusent toute discussion sur le pouvoir d'achat sous forme d'augmentation des salaires. Elle signera début novembre le relevé de propositions du gouvernement et appellera les personnels à  reprendre le travail. Pour sa part, la CGT considère que les postiers ont décidé la grève et qu'il leur appartient quand ils le décideront de reprendre le travail. Avec les postiers, la CGT estime que la question des salaires est au coeur de la grève, oublier cette revendication, c'est trahir les grévistes.


Acquis et déceptions

Les acquis sont malgré tout importants:
- titularisation immédiate de 6000 auxiliaires
- départ en retraite dès 55 ans des personnels des centres de tri
- revalorisation des primes et indemnités
- amélioration du déroulement de carrière
- coup d'arrêt à  la volonté gouvernementale de privatiser les Télécoms et de démanteler le service public
- satisfaction de nombreuses revendications locale.

Toutefois, la déception est grande, en matière de salaire, en particulier.