
En 1803 ou 1804 fut fondée une Ecole de dessin, d'abord installée dans l'ancient Couvent des Minimes (près de l'église Saint-Louis) puis dans un immeuble de la place de l'Hôtel de Ville, et une vingtaine d'années plus tard dans la galerie nord du rez-de-chaussée de l'Hôtel-de-Ville actuel. L'enseignement était donné par un seul professeur à une vingtaine d'élèves, le Lyonnais Jean-Baptiste Gerboud. L'école prit plus d'extension à partir de 1837, date à laquelle fut adjoint un professeur au directeur: Claude Soulary (1788-1870). Avant lui, un autre directeur, Claude Bruyère, avait été nommé mais il n'occupa sa fonction que quelques mois. Il décéda à l'âge de 24 ans le 11 octobre 1837 ou 1838. En 1856, l'Ecole fut transférée rue de Roanne. Outre le directeur, elle comprenait alors un professeur adjoint à la classe de principes, un au cours de fleurs et un surveillant.
En 1858, l'architecte Boisson plante ses étaux et chevalets aux Ursules, sur une des collines de la cité des Métallurges pour y édifier, dans le style Louis XIII, le "Palais des Beaux Arts". La parcelle appartenait auparavant aux Ursulines. En avril 1860, l'Ecole ouvre ses portes à une trentaine d'élèves. En 1867, c'est Jean Champier, de Feurs, qui succède à Soulary, jusqu'en 1880. En 1867, elle compte environ 115 élèves - la faute au ruban façonné, très en vogue - auxquels sont dispensés des cours de modelage, sculpture, géométrie, mathématiques, dessin, histoire de l'art... Parmi les élèves, Jean-Baptiste Galley, futur directeur, et José Frappa.
Se succèdent à la tête de l'établissement, dans un court laps de temps, Honoré Ugrel (ou Hugrel) et Alexandre-Adolphe Beauderon, puis Jean-Claude Galley (dit Jean-Baptiste) sous la direction duquel, en 1884, elle prend le nom d'Ecole régionale des Arts Industriels. Sous la direction d'Hugrel, d'autres élèves célèbres étudient à l'Ecole: Joannès Induni, marbrier-sculpteur Antoine Roule, chansonnier...
A l'enseignement artistique est adjoint un enseignement technique et scientifique, avec l'aide du Conseil général, mais aussi de la Chambre de Commerce. "Les programmes surannés, critiqués par les directeurs eux-mêmes, furent enfin abandonnés, et la nouvelle école embrassa un plan plus vaste que celui de l'ancienne: l'enseignement scientifique fut plus développé, l'enseignement artistique plus intelligemment donné et la partie technique véritablement commencée ou étendue", note son directeur Léo Carrière en 1927.
Se succédèrent encore un architecte, Leroux (1890-1892), Willy Worms (1921-1924) Et encore Léo Carrière, Jean Burkhalter, Georges Tautel, Jacques Bonnaval, pendant vingt ans. C'est sous la direction de Worms que l'Ecole prit en 1923 son nom d'Ecole Régionale des Beaux-Arts tandis que les cours techniques étaient transférés à l'Ecole Nationale Professionnelle. Elle est alors dirigée par un conseil de perfectionnement que préside le maire de Saint-Etienne. Dès la fin du XIXe siècle, l'Ecole obtenait de nombreuses médailles d'or et grands prix aux Expositions universelles: Paris 1889 et 1900; Arts Décoratifs en 1925, etc.
Cours de peintures (années 1930)
Les cours ont gratuits et les concours exécutés par les jeunes filles et les jeunes gens, dans le même temps, devant les mêmes modèles, et jugés confondus, sont classés sans distiction d'auteurs et participent aux mêmes récompenses. En 1927, l'Ecole compte 350 élèves des deux sexes. Voici sa mission telle qu'on peut la lire dans L'Illustration Economique et Financière (fin des années 1920): " Elle a pour but d'enseigner dans les cours du jour et du soir le dessin en général et les sciences qui en sont la clé; de former dans des cours spéciaux de jour de jeunes gens appelés à devenir décorateurs-dessinateurs, ou metteurs en carte pour l'industrie du ruban, sculpteurs ornementistes pour le bâtiment et le meuble, ciseleurs et incrusteurs sur armes, de préparer aux écoles d'art de Paris, aux concours entre écoles ou au professorat de dessin dans les Ecoles normales, les collèges et les lycées."
Sa grande spécialité est alors d'avoir des cours d'art appliqué correspondant aux besoins des industries locales. En dehors des cours de sculpture, sur bois ou pierre, elle comporte des cours de damasquinage des métaux et d'autres spécialisés pour le ruban et la décoration.
C'est aussi dans cette école qu'ont peut-être fonctionné les premiers cours dit du jeudi, pour les enfants des écoles primaires de la classe du certificat d'études, concours dans lesquels les enfants dessinaient d'après les objets usuels groupés et faisaient de petites compositions décoratives d'après leurs dessins. En 1928, 400 élèves participaient aux cours du jeudi ! Voici ce que disait de l'Ecole, M. Laprade, inspecteur général de l'Enseignement artistique, dans les années 1930, lors d'une grande exposition dans ses salles: " L'Ecole régionale des Beaux-Arts de Saint-Etienne est remarquable et fait honneur à la Minicipalité. C'est à coup sûr une de nos meilleurs Ecoles d'Art de France et, à bien des points, elle pourrait être citée en modèle. Presque tous les enfants fréquentant l'Ecole travaillent à l'usine et viennent dessiner le soir. D'autre part, des cours, le samedi-après-midi, le jeudi, et le dimanche matin, permettent aux élèves des écoles primaires, des lycées, des écoles professionnelles et autres, de profiter de l'enseignement artistique.
Atelier de peinture avec Yves Charnay (Années 1960)
Ici, on ne cherche pas à former de grands artistes ou des "Prix de Rome" mais à donner une culture artistique à des enfants du peuple. La démonstration est faite à Saint-Etienne, contrairement à ce que racontent tant de directeurs et de professeurs inférieurs à leur tâches, que les milieux ouvriers ne sont pas du tout réfractaires à l'art. La plupart des élèves fréquentant l'Ecole de Saint-Etienne sont de petits ouvriers ou apprentis gagnant leur vie dans des usines de métallurgie, de rubanerie, d'armurerie, ou de grandes imprimeries. On sent chez eux un amour passionné du travail. Les dessins et projets sont innombrables et soignés, l'enseignement sans tendance systématique professe un grand respect des dons de chacun. Tous les cours de dessin, d'ornement, de perspective, de sculpture, d'architecture sont excellents. Pas de "creux" comme on en rencontre si souvent dans nos meilleurs Ecoles."
La serre (juillet 2009)
La serre en 1964, cours d'étude documentaire
En 1951, l'Ecole compte, outre le directeur, 12 professeurs, 1 répétiteur, 1 secrétaire et 2 surveillants. Et 354 élèves (4 ans de scolarité). Dans les années 1970, de nouvelles options sont créées aux côtés de l'option Art: Communication et Environnement qui donna naissance au Design une décennie plus tard. L'ESADSE (nouveau nom en 2006) " a aujourd'hui vocation à former des artistes, des designers, des graphistes, des auteurs, des créateurs et plus généralement des professionnels compétents dans tous les domaines qui valorisent l'imagination, la créativité et l'inventivité", lit-on sur son site internet. Son directeur, Emmanuel Tibloux, explique: "La conjugaison de l'offre pédagogique existante et de l'intégration dans la Cité du Design ' lieu de pointe et d'innovation fondé sur une vision large du design ' devrait permettre à l'ESADSE d'être parfaitement en prise sur la grande mutation de notre époque: soit la captation, par le champ économique, des valeurs et des processus issus du champ de l'art, tels que la création, l'invention, l'imagination, l'expérimentation et le fonctionnement par projets. Tandis que l'option Art, domaine privilégié du « libre jeu des facultés », de l'expression souveraine de l'invention et de la création, a vocation à être le véritable coeur de l'école, les options Communication et Design sont appelées à en être les pointes avancées dans le champ économique : les lieux où la création et l'invention rencontrent les paramètres de l'usage, de la reproductibilité et du marché, et se muent en créativité et innovation."
Promotion 56-57: 3e année et diplôme
Ce qu'on pourrait rapprocher des mots d'un M. Dolmazon, dans les années1930, devant un parterre d'enseignants de l'Ecole: "Je tiens pour l'une des plus essentielles qualités de l'Enseignement que vous donnez, ceci, qui au lieu de vous tourner vers un art gratuit, désintéressé, je ne sais quel jeu, quel divertissement pour des délicats, vous avez orienté votre travail vers la recherche de formes et de moyens susceptibles, en embellissant l'âpre vie quotidienne, de trouver dans la pratique de l'industrie et du commerce, leurs applications. De telle façon qu'au lieu de couper votre art de la vie, vous l'y avez, au contraire, enraciné".
Sources: ESADSE, La Région illustrée (1928), Loire Documents de France (non daté), L'Illutration économique et financière...