René Surieux s'est éteint des suites d'une longue maladie le 16 novembre 2007. En 1981, alors qu'il était chef de Bataillon, il a écrit Connaissance d'une profession, regard sur le corps des sapeurs pompiers de la ville de Saint-Etienne, dans lequel il nous conduit pas à pas à la découverte de sa profession, depuis les gardes pompiers du début du XIXe siècle. Publié sous l'égide de l'Amicale du Corps de sapeurs-pompiers, c'est à notre connaissance l'ouvrage le plus documenté (360 pages) jamais paru sur les soldats du feu stéphanois. En cherchant un peu, on peut encore trouver ce livre dans les bouquineries de Saint-Etienne, et dans le réseau des bibliothèques municipales. Ce petit résumé - il ne s'agit évidemment pas de reproduire in extenso l'ouvrage - emprunte à son travail et couvre la même période (1807-1980). Dans les grandes lignes, il suit le chapitrage du livre. Nous avons toutefois regroupé quelques textes portant sur un même thème. Un certain nombre de chapitres, ceux ayant trait à l'administration notamment, aux méthodes d'intervention et aux matériels, ont été volontairement omis.
Il n'aurait pas vu le jour sans l'aimable autorisation de son épouse, Mme Monique Surieux, que nous remercions chaleureusement. Les photographies illustrant l'ouvrage proviennent essentiellement des Archives Municipales et du service photos du Corps. Pour notre part, concernant la partie la plus ancienne, nous utilisons, sauf mention contraire (SP, AM et autres), nos propres photographies et des cartes postales. Quelques photographies publiées dans l'ouvrage viendront illustrer les pages plus récentes de la saga des pompiers gagas.
René Surieux (communiqué par Mme Surieux)
Les premiers documents concernant une organisation de secours contre l'incendie à Saint-Etienne remontent à 1787. On trouve en effet dans les archives municipales une délibération en date du 20 mai 1787, approuvant une dépense de 4000 livres pour l'achat de deux cents sceaux en cuir, une pompe foulante à un corps et une pompe aspirante à deux corps.
Naissance de la Compagnie de gardes-pompiers de la Ville de Saint-Etienne - 1807
En cette année 1807, la ville de Saint-Etienne est en pleine prospérité. La plupart des maisons des XVIIe et XVIIIe siècles ne comprennent qu'un ou deux étages surmontés de chambres sous toit. Les constructions sont en pierres tirées des carrières des "baumes" et du "treuil", les planchers et escaliers, ainsi qu'une grande partie du gros oeuvre sont en bois, et offrent un élément propice à l'incendie. Entrelacées, séparées par des rues étroites, éclairées la nuit par des lanternes publiques à flamme nues, l'ensemble forme un tout où le feu lorsqu'il se déclare, se propage rapidement et sème la terreur parmi la population.
Depuis 1805 un château d'eau situé à Valbenoîte, dans le clos dit "de la pièce ronde" alimenté par les sources de la plaine de Champagne, recueillies au moyen d'aqueducs en pierres sèches, apporte l'eau par des conduits en fonte à cinq fontaines placées dans les divers quartiers de la ville.
Dans sa mairie de la rue de Roanne (près de la place du Peuple), le maire en place, M.F. Jourjon Robert et son Conseil municipal décident de grands travaux:
- le percement de la grande rue (qui nécessite de dévier le cours du Furan pour préparer l'emplacement de la future place de l'Hôtel de Ville) ;
- la construction d'une chambre de Commerce;
et devant l'accroissement des risques d'incendie avec la naissance de nouvelles fabriques (et aussi comme la plupart des grandes villes de France), la création d'une compagnie de gardes-pompiers par l'arrêté municipal du 28 mars 1807, légalisé par le décret impérial de Saint-Cloud du 16 novembre 1808 qui donne approbation et création des gardes-pompes.
"Le maire de la Ville de Saint-Etienne, considérant que pour utiliser la pompe à incendie que la Ville possède et celle qu'elle propose d'acquérir et pour porter en conséquence des secours prompts et bien dirigés aux propriétés incendiées, il n'y a pas de plus sûr moyen que d'organiser une compagnie de gardes pompiers à l'instar de celle existante déjà dans la plupart des grandes villes."
Elle sera composée de 39 hommes, dont un capitaine-commandant, un lieutenant, un quartier-maître, deux sergents, cinq caporaux, un tambour et 28 gardes-pompiers.
Pour être recrutés, les volontaires doivent avoir 18 ans au moins et 40 ans au plus. Ils doivent savoir lire et écrire, avoir exercé au moins pendant un an la profession de maçon ou couvreur, plombier, charpentier et sellier. Le volontaire doit en outre être reconnu pour un homme probe, de bonne vie et moeurs et d'une conduite irréprochable. Il doit enfin, si possible, appartenir à la ville de Saint-Etienne depuis un an au moins.
La Compagnie sera soldée par la Ville à compter du 1er janvier 1808 sur le produit des recettes municipales. Les fonctions de capitaine et lieutenant des gardes seront gratuites. Ils seront exempts du logement, habillés et armés. La Ville fournira le casque et la médaille, l'uniforme payé sur la solde sera semblable à celui des gardes-pompiers de Lyon; le nom de la ville sera écrit sur les boutons.
La matériel d'incendie se compose de quatre pompes à bras dont une sur chariot quatre roues, quinze pieds de tuyaux en cuir et deux cents sceaux de cuir.
La légendaire et folklorique pompe à bras se perfectionnera lentement, d'abord foulante, puis aspirante, puis les deux, sous forme de baquet, de brouette, montée sur des chariots à deux roues, tractée par des chevaux, elle devint l'engin type d'extinction des incendies toujours plus nombreux. Sur le plan pratique, elle ne permet pas une grande souplesse de manoeuvre et demande de nombreux sapeurs pour la mettre en action. Les boyaux forts cuit de boeuf cousus, ligneux, préférés aux boyaux en toile proposés déjà en 1822, sont lourds et ne permettent pas de grandes performances hydrauliques. Les lances n'ont pas de robinet. Ces pompes sont les engins chéris des escouades et appelées par leurs noms: "Bienfaisante", "Foudroyante"... En 1884, la pompe aspirante et foulante achetée à Lyon nécessite cinq homme pour la mettre en service. Elle projette l'eau à 40 mètres. Les pompes à bras de Saint-Etienne furent revendues en 1910 aux autres communes dotées d'un corps de sapeurs pompiers. La première pompe à vapeur attelée date de 1874. Un seconde est achetée en 1876.
Le 18 juin 1807, un second arrêté complète le premier et crée dans la Compagnie une 3e division forte d'un sous-lieutenant, un sergent, deux caporaux, douze gardes-pompiers et six surnuméraires exclusivement pris parmi les employés et ouvriers de la Manufacture impériale des Armes de guerre. Cette division, placée sous les ordres du capitaine, viendra renforcer les deux autres, soldées par la Ville, en cas de sinistre important. Ceux-là n'auront pas d'uniforme, seulement un casque portant la mention "Pompier attaché à la Manufacture d'Armes".
En avril 1808, un règlement de discipline et de police est publié par l'administration sous la signature du capitaine Jourjon, commandant de la Compagnie. Paraphé par tous les gardes-pompiers, ce document de 33 articles fixe la composition du Conseil de discipline, ainsi que l'organisation du service. Il précise le rôle du maire, adjoints, officiers et personnels. A cette époque, on ne chahute pas avec la discipline, comme en témoignent les articles suivants:
Article X. - Tout garde-pompier qui manquera au devoir de la probité la plus austère sera cassé et renvoyé comme indigne de faire partie de la compagnie.
Article IX. - Il est expressément défendu aux gardes-pompiers, particulièrement lors de leurs exercices, de mouiller qui que ce soit sous quelque prétexte que ce puisse être... etc. Première fois une amende, deuxième fois détention de trois jours, troisième fois expulsion de la Compagnie.
Le chapitre XXIV traite des récompenses et gratifications. Il n'y a pas encore de décoration spécifique aux soldats du feu. Le service de surveillance au théâtre est déjà prévu. Une pompe et une réserve d'eau sont mises en place dans les coulisses.
Il y est aussi précisé que les gardes-pompiers ne font pas partie de la garde nationale, contrairement à un grand nombre de villes françaises. Cette dernière est employée dans des fonctions de police les jours d'incendie. Mais à Saint-Etienne, les gardes-pompes sont néanmoins armés de sabre et fusil destinés à en faire une une force d'appoint pour les gardes nationaux. Cette situation ambigà¼e durera jusqu'au 15 septembre 1871, date de la dissolution de la garde nationale sur tout le territoire. Après, seuls les pompiers conserveront leurs armes pour les cérémonies officielles. Cette tradition restera en vigueur jusqu'à la fin du siècle, où les Corps des sapeurs-pompiers devenus professionnels évolueront vers des organisations civiles essentiellement orientées vers leurs véritables missions de protection des populations comme service public de sécurité.
Formée de "courageux volontaires" pendant de nombreuses années, elle évoluera par nécessité vers la mise en place de quelques permanents en 1894. En 1900, par délibération du conseil municipal, une section de sapeurs-pompiers professionnel de 20 hommes sera créée.
Casques en laiton du XIXe siècle, autour d'un casque respiratoire de 1910 (caserne de Chavanelle). A partir de 1890, le casque suit l'évolution du casque militaire. Il perd son grand cimier, ses visières plongeantes et adopte vers 1900 sa couleur nickelée brillante. La ceinture de feu date de 1820. Elle soutient le dos des sapeurs suivant la coutume de l'époque et permet d'assurer le sauveteur au moyen d'un anneau. Il y suspend aussi la hache ou hachette servant à enfoncer les portes ou à faire un coupe-feu dans les murs en pan de bois des maisons d'habitation incendiées. En étoffe de laine et tissu croisé, fond bleu ou noir avec deux bandes rouges, elle se boucle avec des contre-sangles en cuir noir. A l'aube du XXe siècle, la tenue de feu est complétée par un veston de peau. La célèbre veste de cuir noir commence une longue carrière en dessinant la silhouette des soldats du feu de notre pays.
1er janvier 1832 - 1er avril 1849: Vers une réorganisation de la compagnie des sapeurs-pompiers
En mars 1831, une ordonnance royale propose une réorganisation des Corps de sapeurs-pompiers. Une note préfectorale de renseignements est envoyée à M. le Maire de la Ville pour préciser la situation de sa Compagnie. Le matériel se compose alors de six pompes à bras. En 1835, nouvelle note relative à un projet d'organisation. Rédigée dans un style militaire par le chevalier Paulin, commandant le Corps des sapeurs-pompiers de Paris, cette note, si elle ne cite pas Saint-Etienne en exemple en se cantonnant aux situations des villes principales, expose toutefois une vue futuriste de ce que seront un jour les organisations des services d'incendie. Extrait: "En supposant donc qu'il fut reconnu utile et avantageux d'établir un Corps de Sapeurs-Pompiers dans chaque ville, pour qu'il put rendre tout le service possible dès le moment de sa création, il faudrait qu'il fut composé d'hommes ayant de l'expérience dans le métier, ou du moins d'un noyau d'hommes déjà formés, et qui seraient instructeurs et sous-officiers dans ce corps. Pour y parvenir, la capitale pourrait envoyer dans chaque ville de province quelques hommes formés, et ces dernières enverraient à leur tour à Paris des hommes choisis à raison de leur conduite et de leur intelligence, pour venir se former à la vieille expérience des sapeurs-pompiers de la capitale..."
Le 1er avril 1849, rejetant l'organisation du 22 mars 1831, la Compagnie des sapeurs-pompiers est réorganisée et comprend cinq officiers, six sous-officiers, huit caporaux, deux tambours, 82 hommes et six pompes. Si les pompiers sont choisis par le conseil municipal, leurs officiers sont élus par le personnel.
1899 - Le capitaine Castell et ses hommes posent devant l'ancienne caserne du Treuil (/Archives Municipales)
1852 - 1900
En 1868, la Compagnie comprend un effectif de 134 hommes. Un dépôt de pompe à incendie est installé auprès du commissariat de Police des quatre cantons: rue Bourgneuf, rue d'Annonay, rue Soleysel et rue de Sorbiers. Le dépôt principal est à l'Hôtel de Ville. Un service de garde permanent y est assuré par deux hommes chargés de sonner l'alarme et de prévenir le personnel du canton sinistré. Le 23 octobre 1870, le capitaine Brun Gustave est élu Chef de Corps dans la grande salle de l'Hôtel de Ville. Le 13 mai 1874, la municipalité dont le maire est M. Desjoyaux procède à l'acquisition de la première pompe à vapeur attelée. En novembre 1875, une seconde pompe de ce type est acquise pour le service, dont le dépôt de l'Hôtel de Ville est transféré place Marengo. Mais leur mise en oeuvre est lente. Ainsi, lors des incendies de l'Hôtel de Ville en 1874 et 1883, ce sont des pompes à bras qui furent utilisées. Les pompes à vapeur restent confinées à un rôle de renfort. D'autre part, leur poids ne leur permet pas d'être déplacées avec aisance. Les pompes à bras seront ainsi utilisées jusqu'à l'entrée en service des auto-pompes actionnées par moteur thermique. Celles-ci sonneront le glas de toutes les pompes précédentes, à bras ou à vapeur.
Un mois plus tard, la Compagnie est à nouveau réorganisée. Ses effectifs sont portés à 204 personnes.
Dans sa séance du 26 décembre 1883, le conseil municipal étudie les propositions d'organisation du secteur de défense du capitaine Brun. L'officier explique les difficultés d'intervention dans la "région éloignée" de La Mulatière: "J'ai reconnu qu'en effet, sur le parcours de cette rue, il n'existe pas d'autre bouche d'eau que les deux fontaines établies à 100 mètres environ au nord et au sud de la dite propriété (celle de M. Granger au 127 de la rue, où le propriétaire propose d'abriter une pompe et ses agrès, et où se trouve un grand bassin pouvant contenir 200 mètres cubes, ndlr) ; il est donc certain qu'en cas d'incendie, notamment sur le point culminant de la Mulatière, l'accès étant très difficile tant du côté de la ville que de celui de Valbenoîte à cause de deux longues rampes très rapides, les secours arriveraient fatalement trop tard." Il recommande au passage l'achat d'une pompe aspirante et foulante, "engin qui a toujours manqué à notre matériel", pour remplacer la pompe qui serait remisée au 127, rue de la Mulatière.
Sortie de la caserne du Treuil (1902 ou 1903) d'une pompe à vapeur. Le travail de l'homme y est remplacé par celui de la vapeur produite par une chaudière. Elles sont branchées sur une canalisation de gaz, l'eau étant ainsi maintenue chaude en permanence pour améliorer la rapidité de mise en oeuvre. Une provision de briquettes de combustible était prévue sur chaque pompe, qui avait plus l'air d'une locomotive que d'un engin de lutte contre l'incendie.
En 1893, une troisième pompe à vapeur est achetée. Elle est capable de fournir un débit de 1200 litres/minute en 12 minutes. Avec les fourgons attelés pour transporter les hommes, une écurie à chevaux, la nécessité d'organiser une véritable caserne se fait sentir. En décembre 1897 (le capitaine Castel est alors nouveau commandant de la Compagnie ) à la suite de l'incendie de l'usine Flachier, les conseillers municipaux Rivoire et Buisson demandent au maire de réorganiser la Compagnie en prenant pour base le principe du casernement des gradés et sapeurs. Lors de cet incendie, il avait fallu une demi-heure pour que la pompe à vapeur arrive sur les lieux, non compris le temps indispensable à son fonctionnement. Mais en cette fin de siècle, la place Marengo se transforme et on prend alors la décision d'installer les pompiers à l'ancien abattoir rue du Treuil, place de l'attache aux Boeufs.
Départ du fourgon "La Coquette", capable de transporter jusqu'à neuf hommes.
Grandes catastrophes du XIXe siècle
16 janvier 1826: Un incendie détruit les magasins de MM. Faure Frères, fabricants de rubans, rue Valbenoîte (dégats 200 000 F)
1827: Crue du Furan
1831: Inondation de la Mine du Bois Monzil: 8 morts
1834: Inondation générale du département
30 octobre 1835: Explosion de grisou au puits Saint-Claude à Méons
1837: Violente inondation du Furan (20 morts)
1840: Le maire fait publier que dorénavant les incendies seront annoncés par tambour (batterie de l'Assemblée)
1842: Grand incendie au Rez sur la commune de Valbenoîte. Une maison de trois étages est ravagée par les flammes (Moulinages MM. Martin et Dairal). 100 000 F de dégâts. La commune n'ayant pas de secours contre l'incendie, ce sont les pompiers de Saint-Etienne qui sont intervenus, trop tard en raison de la distance.
1845: Explosion de la chaudière d'une locomotive sur la ligne de Lyon à peu de distance du tunnel de Terrenoire. Deux tués et plusieurs blessés.
1846: 15 morts et 30 blessés dans la catastrophe de chemin de fer Saint-Etienne-Lyon. 14 juillet, près de la Montat, inondation de la mine de Gagne-Petit. Trois ouvriers restent six jours dans la galerie. Deux seront délivrés.
1849: Nouvelle inondation du Furan. Plusieurs morts.
1861: Coup de grisou au puits de la Grande-Pompe au Treuil. 21 morts
29 août 1866: Explosion de gaz et début d'incendie au théâtre pendant une représentation.
1871: 70 morts dans un coup de grisou au Puits Jabin.
1874: Incendie dans les combles de l'Hôtel de Ville
1876: 200 morts au Puits Jabin
20 mars 1881: Trois morts dans l'explosion d'un hangar de fabrication de pièces d'artifice rue Jacquard
1883: Incendie du pavillon Sud-Ouest de l'Hôtel-de-Ville.
Regard sur le XIXe siècle
En compulsant les archives depuis le jour lointain où ces premiers Stéphanois apposèrent leurs signatures sur le premier règlement de service de la Compagnie, j'ai découvert ces ouvriers, paysans et artisans qui se sont succédé sur plusieurs générations et sont à l'origine d'une nouvelle profession dans le cadre de la ville où ils ont vécu. A l'extrémité de cette longue chaîne, j'ai vu sortir de l'ombre, dans la lueur des incendies, les fantômes casqués de ces pompiers volontaires, tirant et poussant leurs pompes à bras, dans les ruelles de la ville noire. Ils étaient appointés en fin de trimestre, sur leurs heures de manoeuvre ou d'incendie, mais aussi pour l'exercice des armes, car en ce temps, comme nous l'avons vu, le fusil et la lance d'incendie faisaient bon ménage.
J'ai découvert parmi eux que la profession était "fille de la Révolution industrielle" qui bouleversa l'Europe et la ville de Saint-Etienne pour en faire une ville minière et industrielle importante. La vie en ce temps-là ne faisait pas de cadeau pour ceux du bas de l'échelle sociale. Pendant longtemps, les conditions de travail seront très dures pour les ouvriers et surtout pour les femmes et les enfants de ce nouveau prolétariat. Nombreux seront les habitants de la plaine du Forez qui en feront partie. Aussi pour ceux qui avaient les capacités et la chance d'appartenir à la Compagnie, c'était une promotion sociale. La prime n'était pas négligeable pour le maigre budget familial. D'autre part lorsque le tambour battait le jour, c'était une possibilité d'échapper quelques heures au travail pénible de la fabrique ou de l'usine. Une certaine façon de retrouver sa liberté pour une noble cause. Pour les officiers de condition sociale moyenne, ils étaient patrons marchands ou commerçants, la position était aussi intéressante et favorisait les rapports avec l'administration. Le goût du commandement et de l'uniforme n'étaient pas absents de leurs démarche.
Dans ces temps durs, les règlements l'étaient aussi. Ils étaient le produits de merveilleux législateurs dont les recettes multiséculaires n'ont rien à apprendre à notre temps. Suivant la formule de Saint-Exupéry "les règlements étaient semblables aux rythme d'une religieuse qui semblent absurdes mais façonnent les hommes". Les codes de discipline fixant les devoirs et les punitions recevaient une attention particulière. La formule de la " carotte et du bâton " était pratiquée avec bonheur dans ce système d'éducation et de formation, qualifié de "sans faille" par ceux qui le mettaient en oeuvre. Dans un courrier adressé à son maire, le capitaine de la Compagnie, demande l'autorisation d'instituer le " système des amendes " pour punir les gradés et les hommes coupables de fautes et de retards aux manoeuvres. Il dresse une longue liste des points où il faudrait sévir. Il souligne que cette règle est appliquée avec succès dans plusieurs compagnies et autres corps de métier. L'argent produit par les amendes est reversé dans la caisse de la Compagnie et partagé en fin d'année. Plusieurs années plus tard, un autre commandant proposera au maire de supprimer ce "système injuste et pernicieux par l'argent". Son personnel écrira aussi au maire pour lui demander de ne pas accepter cette démarche " qui risquerait de ruiner la caisse de secours du Corps ", mais aussi, en sous-entendu, certains avantages illicites. Le système des amendes, rompu aux habitude d'une époque, fonctionnera légalement jusqu'en 1924. Il conservera au Corps ses partisans pour ne disparaître qu'en 1940.
Les conditions de logement de ces pompiers étaient plus que précaires et dépourvues bien souvent du moindre confort matériel, dans les quartiers modestes. Il faut lire, sur ce sujet, la lettre touchante, qu'écrit le responsable d'un dépôt des pompes à son maire. C'est avec déférence qu'il lui demande de revoir la situation de son logement. Il habite une grande pièce humide et obscure dont le sol est en bitume et terre battue. " A me lever la nuit pour préparer la pompe et la matériel, je prends souvent la crève ", dit-il en bon Gaga. Le maire lui répond que l'Administration verra ce qu'elle peut faire...
1900 - La Compagnie des Sapeurs-Pompiers professionnels
A l'aube du XXe siècle, la Ville de Saint-Etienne, dirigée par M. Chavanon, est en pleine expansion industrielle et démographique. Compte tenu de l'accroissement de l'activité urbaine et de la multiplication des risques, la municipalité envisage de donner une structure professionnelle à sa compagnie de sapeurs-pompiers. Cette dernière est depuis 1899 commandée par le capitaine Bedoin à qui le maire a proposé de succéder au capitaine Castel, arrivé en fin de carrière. "Il devra toutefois (Bedoin) vendre son fonds de café jugé trop près du poste de garde. La fonction de cafetier étant incompatible avec celle de sapeur-pompier." La Compagnie possède depuis quelques années des personnels permanents, mais cette situation intermédiaire entre le "volontaire" et le "professionnel" ne correspond plus à l'évolution technique du matériel incendie et aux nouveaux risques. Le 4 avril 1900, une délibération du conseil municipal adopte une nouvelle organisation avec une section active de 20 hommes soldés et casernés rue du Treuil et une Compagnie complémentaire de 80 volontaires. La section active fournit un premier départ de 14 hommes en cas de sinistre et elle assure l'entretien journalier du matériel d'incendie. La section complémentaire est divisée en quatre sections (huit escouades) correspondant aux quatre cantons de la ville et fournit le renfort. La section du canton sinistré est mobilisée selon les besoins.
1910, char des pompiers à la cavalcade
En 1905, "l'impact de l'invention de l'automobile à moteur thermique à essence de pétrole" atteint les services de lutte contre l'incendie. Certaines villes sont déjà dotées de "pompes à incendie automobile" dont les performances laissent loin derrière les meilleurs pompes à vapeur. La question est d'actualité à Saint-Etienne et la municipalité s'intéresse à cette question. Elle demande la création d'un tel engin à une entreprise locale. Ce sera une véritable aventure qui se terminera par un échec. Le 13 novembre 1908, la Compagnie reçoit son premier fourgon pompe automobile Delahaye-Farcot 40 H.P. débitant 110 mètres cubes pour le prix de 33 840 F accessoires compris. Le 9 mai 1913, la municipalité procède à l'achat d'un deuxième fourgon-pompe Delahaye-Farcot . Le 2 août 1914, à la mobilisation générale, la majorité de la section part aux armées à l'exception de sept hommes dégagés des obligations militaires. L'équipe restante de casernés est renforcée par des soldats prélevés au 38e RI.
A la fin des hostilités, l'effectif de la section casernée est portée à 24 hommes, la section complémentaire disparaît au fur et à mesure de l'expiration des engagements. L'année 1920 voit naître un atelier de réparations pour le service automobile de la ville. L'effectif de la Compagnie est porté à 36 hommes dont la plupart sont employés de cet atelier pendant la journée. Après cette date, le Corps se dote de plusieurs autres véhicules. Insensiblement, la section professionnelle prend le pas sur la section volontaires. Mais il est encore difficile à cette époque que les sapeurs-pompiers puissent avoir un travail entièrement professionnel. Aussi de nombreux travaux annexes sont exécutés par le personnel de garde dans le cadre de la ville: réparation de barrières de places publiques, bacs, chaises, etc. Ils permettent aux exécutants d'améliorer leur indemnité de pompier, peu élevée par rapport aux autres services municipaux. Cette comptabilité particulière est tenue par le chef de Corps.
1924
Sous la direction du commandant Gachet naît le Corps des sapeurs-pompiers professionnels. Ancien sergent fourrier du régiment de sapeurs-pompiers de Paris, moniteur de gymnastique de Joinville-le-Pont, il met en place en moins de trois ans une organisation du service d'incendie dont les améliorations seront constantes jusqu'en 1939. En 1930, la Compagnie de volontaires a disparu, sauf un caporal et deux sapeurs qui termineront en 1932 leurs 25 ans de service. Ces hommes ne font aucune intervention sauf dans les cas exceptionnels. Le Corps caserné comprend alors un chef de bataillon, commandant le Corps et Inspecteur départemental; trois lieutenants; un adjudant; un sergent fourrier; cinq sergents; huit caporaux; trente-cinq sapeurs dont sept de première classe; soit au total 54 hommes.
Années 1920
Ce personnel est réparti en deux fractions:
- le service des ateliers, comprenant les ouvriers spécialisés employés à l'entretien et aux réparations du matériel de secours contre l'incendie et à la conduite des voitures;
- le service du dépôt comprenant les sapeurs non spécialisés employés à l'entretien et aux réparations du matériel du secours contre l'incendie et à la conduite des voitures.
Les hommes sont de service d'incendie pendant cinq jours consécutifs, le sixième ils sont de repos par roulement. Pendant le jour, ils sont astreints à huit heures de travail suivant l'emploi du temps établi. En dehors des heures de travail, ils restent chez eux, mais ne peuvent quitter la caserne sans autorisation. L'organisation des secours contre l'incendie de Saint-Etienne est copiée sur celles de Paris et Lyon. Suivons les explications consignées par écrit d'un officier de l'époque.
Sont toujours prêts à partir en cas d'appel de feu (une minute le jour, deux minutes la nuit): deux autos spéciales pour feux de cheminée, six hommes, une auto-pompe de premier secours avec réservoir de 600 litres, huit hommes, deux fourgons-pompes vingt-quatre hommes. En cas d'appel pour feu de cheminée: une voiture spéciale et trois hommes. En cas de 2e appel, une seconde voiture part avec les mêmes effectifs et matériels. Le cas est si fréquent en hiver que les six hommes affectés à ce type de sinistre ne font aucun autre service d'incendie.
L'alimentation en eau est satisfaisante à Saint-Etienne. Elle est fournie par: les barrages de Rochetaillée et les eaux du Lignon (huit millions de mètres cubes). La pression moyenne est de 4 kilos, certaines conduites ont huit à dix kilos de pression. Il y a 140 bouches de 100 mm réservées uniquement au service d'incendies et 2500 de 45 mm servant également pour l'arrosage des rues. Le nombre de bouches de 100 mm insuffisant pour la superficie de Saint-Etienne (3500 ha) en raison des usines et industries dangereuses de la cité sera augmenté de 20 unités chaque année jusqu'au moment où leur rayon d'action sera limité à 100 mètres. Un plan général de la ville avec indication des bouches d'incendie et du réseau électrique à haute tension a été soigneusement établi. Il a été ensuite divisé en 240 plans partiels à grande échelle qui sont déposés au poste téléphonique en cas de sinistre, le téléphoniste remet à l'officier du piquet le plan du secteur sinistré. Les bâtiments communaux, les usines et les établissements dangereux sont visités et au fur et à mesure des visites, un plan de l'établissement est dressé avec toutes les indications utiles pour l'attaque éventuelle d'un feu.
Une voiture d'étaiement pour les effondrements et accidents vient d'être agencée pour faire face aux évènements particulièrement à craindre à Saint-Etienne en raison du sous-sol miné par les travaux d'exploitation des mines dans les quartiers de Montaud et Villeboeuf. Une équipe de charpentiers et ouvriers en bois est spécialement dressée pour confectionner rapidement un étaiement provisoire dans un immeuble menaçant de s'effondrer.
Une équipe de sauvetage de 12 hommes a été créée et s'entraine mensuellement au port du masque respiratoire afin de pouvoir séjourner plusieurs heures consécutives dans les milieux irrespirables, spécialement dans les mines où elle peut être appelée en cas de catastrophe.
Le casernement actuel ne permet pas de faire l'instruction pratique sur place; l'entraînement physique du personnel a lieu au stade municipal tous les jours de 13h à 15h. En 1927, une section sportive voit le jour.
En 1935, les effectifs sont portés à 68 gradés et sapeurs. Vers la fin des années 30, un groupe de pompiers donneurs de sang (Désarménien Gourgouillat, Champagnac et Bastide) portent assistance à un de leur collègue. Ce groupe renforcé continuera son travail jusqu'en 1948 et sera à l'origine de la naissance officielle de "l'amicale des donneurs de sang de Saint-Etienne".
Photo montage pour le calendrier 2009 des Pompiers de Saint-Etienne. Echelle Rosalie (1897) et place Chavanelle (Compiram -Simatis)
Les échelles
Elles se perfectionnent durant tout le XIXe siècle pour devenir au début du XXe un appareil de sauvetage léger, souple et facilement utilisable. C'est d'abord "l'échelle à crochets" qui connut sa grande époque à Saint-Etienne après 1924. Le chef de Corps, ancien moniteur de gymnastique à Paris, demandait à ses hommes un entraînement assidu. La première échelle de sauvetage aérienne de 18 mètres, dite "Argentin" du nom de son inventeur, fut commandée en 1881. Montée sur un char à quatre roues, elle fut assemblée à Fécamp et livrée vers 1882 - 1883. Peu pratique, d'une instabilité inquiétante, son remplacement fut demandé en 1890. L'année suivante, les pompiers prenaient livraison d'une échelle de type Gugumus (20 mètres) fabriquée à Givors. La première échelle sur porteur de 24 mètres avec moteur à essence date de 1924. La première grande échelle pivotante mécanique de 31 mètres fut achetée en 1941. Suivirent en 1962 deux autres grandes échelles et encore une autre en 1976.
1924 (il s'agit du véhicule montré plus haut)
Le spectacle du pompier grimpant à l'échelle aérienne contribue à justifier le côté sportif de la profession. Il est certain que la place de porte-lance au sommet des 31 mètres, lors de l'attaque d'un violent incendie demande une préparation bien particulière,compte-tenu de la position inconfortable sur ces échelles traditionnelles.
Grands incendies et accidents
Place de l'Hôtel de Ville le 20 mars 1907,
Sauvetage de trois personnes au 6e étage
(D'après la rapport d'un acteur de l'évènement) Le 20 mars 1907 à 9 h 30 du matin, une violente explosion se produisait au 4e étage de la maison d'habitation de six étages portant le n° 4 de la place de l'Hôtel de Ville à Saint-Etienne. Ce fut pendant un moment une violente pétarade, semblable à une salve d'artillerie. Sous l'effet de l'explosion, les volets étaient arrachés de leurs charnières et projetés dans la rue; les balcons en fer enlevés comme fétus de paille étaient également projetés sur la place. La panique des passants était grande. Quelques instants après l'explosion, successivement d'autres détonations retentirent provenant d'un dépôt clandestin de dynamite. Les sapeurs-pompiers étaient prévenus.
A l'arrivée d'un piquet de la section casernée, avec la pompe à vapeur n° 1, sous les ordres du sous-lieutenant Vallot, les flammes sortent des 3e, 4e et 5e étages. Des renforts arrivent avec la pompe à vapeur n° 2. Le capitaine Bedoin, commandant la Compagnie, prend la direction des secours. Le feu est attaqué avec plusieurs grosses lances. Six personnes sont descendues à l'extérieur par les escaliers. Au 4e étage, deux femmes vont être descendues par le caporal Arnaud et l'agent de police Chaulvy mais la cage d'escalier se rompt et Arnaud est précipité au 3e étage où il est relevé grièvement blessé. Force est à l'agent et aux deux femmes de se réfugier au 6e étage, leur retraite étant coupée. Le sauvetage de ces trois personnes est impossible à opérer ni par l'intérieur de l'immeuble, ni par l'extérieur faute d'échelle suffisante permettant d'atteindre le faîte de la maison (30 mètres).
Une pompe à vapeur
Le sapeur Dejacques n'hésite pas. Il pénètre dans l'appartement du 6e étage de la maison contiguë dont l'entrée porte le n° 1 de la rue de la Paix, se fait amarrer avec un cordage maintenu à l'extérieur par le caporal Dutreuil juché sur le rebord de la fenêtre, et à l'intérieur par deux de ses camarades, et s'aventure trois fois de suite sur l'étroite corniche pour aller sauver dans l'immeuble voisin (distance 3 mètres) en flammes et qui menaçait de sauter à chaque instant, les trois personnes vouées sans ce secours à une mort certaine.
C'est par les bravos et les cris d'admiration de la foule terrifiée que chacun de ces trois sauvetages ont été salués.
Autre incendie près de la mairie, en juin 1905, dans l'immeuble presque exactement en face du précédent (CP)
Opération sauvetage dans un tunnel de la SNCF le vendredi 15 février 1929
(rapport d'un acteur de l'évènement)
Le vendredi 15 février 1929, à 16 h 40, le commandant des sapeurs-pompiers de Saint-Etienne recevait de la direction des travaux de chemin de fer P.L.M. à Bellevue, une communication l'informant qu'un tracteur à essence avait pris feu au milieu d'une galerie souterraine sans issue et qu'une vingtaine d'ouvriers étaient bloqués au fond de cette galerie, sans qu'on ait aucune nouvelle sur leur sort.
Le fourgon-pompe Delahaye, l'équipe de sauvetage spécialisée et les appareils respiratoires Fenzy partirent immédiatement. La galerie souterraine en feu se situait immédiatement au dessus du tunnel de la ligne de chemin de fer du Puy, entre la Croix de l'Horme et La Ricamarie. Une fumée âcre et épaisse obstruait l'entrée et toute reconnaissance sans appareil respiratoire était impossible. Les renseignements recueillis sur place auprès des ouvriers permirent d'établir aussitôt la tragique situation. La galerie avait une longueur de 503 mètres. Le tracteur supposé en feu devait se trouver à 400 mètres environ de l'entrée, les ouvriers travaillant à l'avancement à l'extrémité de la galerie étaient donc bloqués sans aucune chance prévisible de sortir vivants. Le seul espoir résidait dans le fonctionnement du ventilateur qui continuait à envoyer de l'air frais aux travailleurs. Mais on craignait que l'effondrement possible des boiseries en feu crève le ventilateur, et que la fumée victorieuse ne provoque alors l'asphyxie des emmurés.
Un contremaître des travaux s'offrit à coiffer un masque respiratoire pour accompagner et diriger les sapeurs sauveteurs et une première équipe composée du sergent Minaire, des sapeurs Billard et Moulineau précédés du contremaître s'engagea dans la galerie. Après avoir franchi 300 mètres environ, le contremaître indisposé par la fumée et non entraîné au port du masque, fit signe aux sapeurs qu'il était à bout de force et ceux-ci durent revenir en arrière pour le ramener à l'air libre. La décision fut prise d'envoyer une seconde équipe composée des caporaux Provin, Estival et des sapeurs Villemagne et Vacheron, avec la mission de se rendre auprès des ouvriers bloqués, de leur inspirer confiance en leur indiquant que des travaux pour percer la voûte du tunnel étaient entrepris puis de venir renseigner le commandant sur la situation. Il était 17h à ce moment.
Pendant ce temps, la gare de Bellevue était prévenue d'arrêter le trafic sur la voie ferrée, afin de permettre à une équipe d'ouvriers de commencer les travaux de sauvetage en faisant sauter la voûte du tunnel à l'endroit présumé où se trouvaient les travailleurs bloqués. Une anxiété très naturelle serrait le coeur de tous les assistants en voyant les minutes succéder aux minutes ; il était à craindre que l'équipe des sapeurs sauveteurs fut à son tour victime de la fumée... Aussi le commandant Gachet téléphona-t-il aussitôt au poste de sauvetage du Comité des Houillères de la Loire, rue Charles Dupuy, de bien vouloir lui confier d'autres appareils Fenzy pour parer à toute éventualité.
Enfin, à 18 h 45, l'équipe de sapeurs réapparut à l'entrée de la galerie. Le caporal Provin et ses camarades avaient pu entrer en communication avec les ouvriers. Ces derniers étaient sains et saufs au fond de la galerie et se rendant compte qu'il leur était impossible de gagner la sortie au travers de la galerie en feu, avaient résolu d'utiliser des charges de dynamite pour crever la voûte du tunnel sous leurs pieds et de se frayer ainsi une issue. Ils demandaient simplement que le transit des trains fût arrêté dans le tunnel. quant à l'incendie, les sapeurs avaient pu, naturellement arriver à sa hauteur: les boiseries et quelques planches du coffrage brûlaient sans violence et dégageaient cette fumée épaisse qui, heureusement chassée par le ventilateur vers l'entrée de la galerie, n'avait pas interdit jusque là aux ouvriers de séjourner au fond de la sape, véritable cul-de-sac.
Au cours de cette reconnaissance, le caporal Estival était tombé au fond d'un trou de deux à trois mètres et s'était assez gravement contusionné aux jambes et aux mains. Ses camarades le tirèrent de cette position difficile et n'en continuèrent pas moins leur mission jusqu'au moment où ils purent communiquer avec les ouvriers. Le caporal Provin avait également fait une chute dans une des nombreuses cavités existant dans la galerie, mais il fut moins gravement atteint que son camarade et n'arrêta pas son service.
Vers 19h, la voûte du tunnel fut enfin crevée à la dynamite et une échelle put enfin être placée à l'orifice du trou pour l'évacuation des seize prisonniers. Le serre-frein était très gravement brûlé, aux mains et au visage. Le conducteur du tracteur était seulement contusionné, les quatorze ouvriers n'avaient aucun mal.
Autre sinistre célèbre, celui qui, en février 1928, ravagea le théâtre Massenet. Entièrement détruit, il sera démoli (carte-photo)
1939 - 1950 - La période immobile
A la mobilisation de 1939, l'effectif du Corps professionnel est de 68 hommes, cadres compris. 23 gradés et sapeurs partent aux Armées, 45 sont en affectation spéciale et maintenus au Corps. Le chef de Bataillon Gachet, commandant le Corps est mobilisé et affecté au commandement du 4e bataillon du 131e régiment d'infanterie régional basé à Saint-Etienne. C'est le Lieutenant Marey qui prend le commandement. Une Compagnie de ce 4e bataillon est affectée au Corps pour augmenter l'effectif qui est nettement insuffisant pour assurer la protection de la ville en cas de bombardement aérien. Des cours d'instruction spéciale sont faits à son personnel chargé d'appliquer le plan prévu par l'organisation de la défense passive.
Le 26 mars 1940, un grave incendie se déclare aux entrepôts de l'alimentation stéphanoise à Bérard, au cours duquel le sapeur Lyonnet trouve la mort, en combattant le sinistre. Lors de l'occupation de la ville par les troupes allemandes, les soldats de la compagnie du 131e RI risquent d'être emmenés en captivité, mais les démarches du commandant Gachet évitent leur internement en Allemagne. Ils sont maintenus au Corps quelques jours encore, puis démobilisés. En juin 1940, huit sapeurs sont en captivité, six d'entre eux réussissent leur évasion, entre 1940 et 1942, et reprennent leur service. Un autre, le sapeur Durieux, meurt en captivité en 1940. L'année suivante, une trentaine de jeunes gens s'enrôlent au Corps en qualité de "pompiers auxiliaires" au titre de la défense passive. Ils suivent des cours d'instruction (désinfection, déblaiement, liaison). Cette incorporation leur permettra d'échapper au travail obligatoire en Allemagne. En 1942, le commandant Galinet, officier d'artillerie, prend la direction du Corps en remplacement du Commandant Gachet, admis à la retraite.
Sur le plan opérationnel, le Corps doit s'adapter à la réduction des moyens de transport qui le frappe. Le carburant est conservé précieusement pour les départs d'incendie. Des vélos avec remorque sont équipés pour les opérations secondaires, et les nombreux feux de cheminée sont effectués en tramway toutes les fois que cela est possible. Le spectacle insolite de ces pompiers casqués partant prendre le tram, avec le sceau-pompe et le matériel d'extinction pour éteindre un feu de cheminée à l'extrémité de la Ville, est bien caractéristique de la nuit et de la régression qui frappe toute la société entre 1944 et 1944.
Le 10 mars 1944, le Corps intervient à La Ricamarie lors du bombardement d'une usine par l'aviation anglaise. En collaboration avec les pompiers locaux, ses personnels procèdent à l'extinction des incendies et aux sauvetages de 17 personnes retirées vivantes des décombres. Deux sapeurs-pompiers de Saint-Etienne sont grièvement blessés et six légèrement blessés par l'éclatement de bombes à retardement.
1942, manoeuvres avec l'échelle de 31 mètres, récemment acquise par la Ville de Saint-Etienne (Photo SP)
Le 26 mai 1944, c'est le bombardement de l'aviation américaine. Les gradés et sapeurs du Corps, auxquels il faut associer les pompiers auxiliaires et les personnels des corps communaux de Saint-Chamond, Saint-Julien-Jarez, Saint-Genest-Lerpt, La Talaudière venus en renfort, se dépensent sans compter au cours des opérations d'extinction des immeubles incendiés, du dégagement des victimes, de leur transport et du ravitaillement de la population sinistrée.
Durant cette période d'occupation, le marché noir règne en maître dans toutes les activités de la vie courante. Dans ce domaine, le Corps possède sa petite organisation privilégiée. Les opérations "recherche de bouffe" sont soigneusement préparées, récupération de légumes à Chavanelle, plantation de "patates", abattage de bêtes clandestin, etc. Toute la gamme des combines, qui n'existe pourtant dans aucun règlement de service, est mise méthodiquement en pratique.
Les évènements tragiques qui se déroulent, opposent "dans des conflits d'opinion" les hommes du Corps sur bien des points. Toutes les tensions humaines de cette petite communauté reproduisent assez fidèlement, dans un espace réduit et clos, le drame de notre nation dans cette pénible période. Pour l'anecdote en juin 1944, deux résistants réfugiés chez le sapeur Dalverny, qui loge au 1er étage galerie, passeront la journée et attendront une heure du matin pour neutraliser, sans difficulté, même avec complicité, le Caporal et le sapeur téléphoniste du poste de garde. Ils récupèrent un véhicule du Corps avec 200 litres d'essence et emmèneront en otage l'Adjudant Fargère, qu'ils libèreront à Saint-Paul-en-Cornillon. Autre fait plus tragique, la fin du sapeur Salle, milicien convaincu et courageux, capturé par le maquis lors de l'accrochage d'Estivareilles et fusillé sur place. Puis c'est la Libération avec son cortège de règlements de compte et d'épuration tous azimuts. Plusieurs cadres du Corps sont arrêtés et conduits en cellule à Grouchy. L'organisation du service est ébranlée à tous les niveaux. Les partis politiques sortent de l'ombre et reprennent leurs droits. Le pouvoir et l'autorité changent de main. Les organisations syndicales sont reconstituées. Le Commandant Gallinet qui dirige le Corps depuis 1942 n'est pas admis par la nouvelle administration municipale. Cette situation s'aggrave près 1947 lors de l'élection du maire Fraissinette et trouve sa conclusion avec le départ du Chef de Corps en 1950.
1950
Le 1er novembre 1950 arrive à Saint-Etienne un officier du régiment des sapeurs-pompiers de Paris, le Lieutenant Michel
. Agé de 36 ans, il a été chargé par le maire de Saint-Etienne, Alexandre de Fraissinette, de réorganiser le Corps qui compte alors, comme en 1939, 68 hommes, cadres compris. Il prend le grade de commandant et entreprend de réorganiser le Corps sur le modèle parisien. Jugeant les conditions matérielles trop limitées, il fait sortir des archives le projet de constuction d'une caserne qui était en sommeil depuis 1939 et persuade l'Administration Municipale d'accélérer cette réalisation. Lorsqu'en 1952, les premiers éléments prennent place dans les nouveaux locaux de la rue Etienne-Mimard, tout est prêt pour un nouveau départ. De nouvelles recrues ont été choisies lors d'un concours sélectif et l'Administration organise un autre concours lors du départ du Capitaine Bedoin, rompant avec la tradition qui voulait qu'un des Lieutenants en place prenne du galon. L'Adjudant-chef Vidon, en demi-retraite du régiment des sapeurs-pompiers de Paris, devient le 1er octobre 1952 l'adjoint de Masse௠avec le grade de Capitaine.
Le Corps se compose alors de 77 hommes, cadres compris dont un Commandant, un Capitaine et deux Lieutenants. Le 23 mars 1953, un nouveau décret portant statuts d'organisation des Corps des sapeurs-pompiers communaux paraît. Il fixe notamment:
- le régime de travail à 48h de permanence et 24 heures de repos pour les personnels logés en appartement de fonction,
- 24 heures de permanence suivies de 24 heures de repos pour les personnels logés à l'extérieur,
- l'avancement de grade est prévu par un brevet d'aptitude à la fonction et concours pour la place,
- le grade d'officier est obtenu à l'échelon national par concours à la suite d'un stage.
Le Commandant Masseï (gants blancs au ceinturon) et quelques-uns de ses hommes. Au centre, le sapeur Roure, appelé à devenir le premier lieutenant stéphanois titulaire du Brevet national d'officier. A partir du décret du 7 mars 1953, les concours deviennent nationaux. Dans les années 50, les sapeurs ont une moyenne d'âge de 35 à 40 ans, pour la plupart Stéphanois et issus des souches paysannes des environ, natifs du Forez ou du Velay.
Le nouveau statut permet aussi, dans le cadre de la loi de 1901, la création d'une Amicale de sapeurs-pompiers à laquelle le Chef de Corps intègre un club sportif. La carte sportive sera d'ailleurs jouée à fond: des équipes de basket, ping-pong, gymnastique, athlétisme, seront créées et brilleront durant 15 ans.
A partir de 1954, les officiers titulaires du brevet national de prévention deviennt les conseillers techniques des Maires et Préfets. Dans la réforme de l'organisation départementale des Services de lutte et de secours contre l'incendie, le Chef de Corps de Saint-Etienne devient inspecteur départemental de la Loire.
Sur le plan municipal, dans sa fonction de Chef de Corps, la réussite du Commandant Masse௠fut complète. Il ne trouva pas les mêmes possibilités avec la Préfecture où l'importance du service départemental d'incendie fut toujours limitée et jamais reconnue par les hommes en place. Aussi devant cette situation créa-t-il un système de relation propre au département de la Loire, qu'il était seul à pouvoir animer, mais dans lequel le Corps des sapeurs-pompiers supportait par l'intermédiaire de la Ville de Saint-Etienne une grande partie du service départemental. Cette situation particulière permettra au Commandant Masse௠de coiffer plusieurs casquettes: Chef de Corps - I.D.S.I.S - Directeur de la Sécurité Civile - c'est trop diront peut-être les gens raisonnables mais le système établi avait l'avantage d'éviter tout conflit de personne et fonctionnait pour le meilleur rendement.
La caserne de Chavanelle, construite par les architectes Bernard et Martin. Achevée en 1952. Ses appartements sont alors une véritable révolution de modernisme (sanitaires, salle d'eau, chauffage...). Apparaîtront dans les années suivantes les machines à laver et les frigos. Pour la petite histoire, l'aménagement du bureau du Chef de Corps souleva de vives polémiques lors des conseils municipaux. De dimension modeste, son mobilier coûta pourtant la bagatelle de 674 000 Francs (64 000 francs en 1980) ! "Que coûterait alors le bureau d'un maréchal de France ?" questionna M. Buard, un adjoint de l'époque.
1958
Saint-Etienne compte alors 192 000 habitants. En 1958, la plupart des jeunes recrues qui rejoignent le Corps sont des soldats du contingent, combattant en Algérie. L'effectif est de 82 gradés et sapeurs. Le groupe de commandement est constitué de la sorte: un commandant, un capitaine et trois lieutenants et sous-lieutenants. Tout l'état-major est composé d'officiers venus de l'extérieur: lieutenant Duverger, Lyon - Jamain, Tours - Gehan, Lille, tous titulaires du brevet national d'officiers, obligatoire depuis 1953.
De 850 interventions (1951) l'activité est passée à 1 466 sorties en 1957. Le travail d'administration est entièrement réalisé par les personnels dans des rôles de rédaction et de dactylographie. La paie du personnel est effectuée par ce service. De même, tout l'entretien et réparation mécanique des véhicules sont assurés par des personnels spécialisés.
Dans le domaine des Sports, la machine baigne dans l'huile. Le Corps glane les titres et les places d'honneur dans les diverses épreuves sportives où il est engagé. En juillet 1957, au Vélodrome de Saint-Etienne, l'équipe de la Loire se classe seconde, derrière le département de la Gironde, lors de l'épreuve nationale de " parcours sportif ". Les caporaux Surieux et Michaud terminent 2e et 5e, les vétérans Finot et Boczar obtiennent un bon classement. L'équipe de basket est sacrée championne de la Loire dans sa catégorie. Son histoire est déjà fort ancienne puisque sa fondation remonte à 1928. Elle poursuit son ascension dans les années 60, emmenée notamment par Robin-Monier, Vallas Paul et Marcel Favier, une ancienne gloire du BC Montbrison. Elle réalise ses meilleurs résultats entre 1967 et 1976, sous la direction de Marius Finot. Elle disparut en 1977, remplacée trois ans plus tard par une autre équipe sacrée en 1980 championne de France corporative F.S.G.T.
Cette photographie (détail) a été prise au stade, vraisemblablement dans les années 60. Il s'agit d'une démonstration des sapeurs-pompiers de Saint-Etienne. Son origine n'est pas précisée. C'est sans doute une photographie de presse. L'équipe spéciale de gymnastique des pompiers de Saint-Etienne perdura jusqu'en 1972.
L'année suivante, une équipe de poids et haltères est créée sous l'impulsion du lieutenant Duverger. Elle remportera un titre de champion du Lyonnais par équipe. En 1959, une équipe spéciale de gymnastique voit le jour. Elle participera à de nombreuses démonstrations avec pour consécration un mémorable déplacement en Allemagne à Francfort -sur-Mein, en 1960. Entre 1957 et 1959, quelques pompiers stéphanois participent aux épreuves de l'athlète complet: une douzaine d'épreuves (natation, corde...) à réaliser en deux jours. L'équipe Surieux-Michaud, emmenée par le Lieutenant Duverger reviendra avec le titre de Championne de France après s'être imposée en finale devant les pompiers de Paris.
En quelques années, l'image de marque des sapeurs-pompiers stéphanois s'est renforcée auprès de la population. Depuis 1956, les pompiers ont droit à passer les concours à l'avancement. La progression est lente car les places sont chères. Le rêve de tous est d'arriver à décrocher un grade de "sous officier" pour partir chef d'agrès au premier secours. Quelques-uns sont partis en stage à l'école de Chaptal à Paris pour devenir instructeur d'entraînement physique. Les résultats ont été très bons. La discipline générale du Corps est stricte, à la limite du militaire. Elle est acceptée par tous. Le temps de la contestation est encore très loin.
1960 - 1975
En 1961, le capitaine Vidon remplace à la tête du Corps le commandant Massei qui prend la direction des Services Municipaux de Sécurité de la Ville de Saint-Etienne. Le lieutenant Duverger devient adjoint du chef de Corps. Quatre lieutenants: André Géhan, Lucien Régny, Roger Roure et René Surieux, complètent l'état-major. A cette époque l'encadrement sous-officiers rajeunit en raison de nombreux départ à la retraite. Entre 1961 et 1968, le Corps de Saint-Etienne a présenté de nombreux sous-officiers à l'examen national d'officier. Dix d'entre eux le réussirent. L'effectif au total est de 94 hommes. 110 fin 1969 avec deux nouveaux officiers: Petit et Robin Monier. Ce qui porte à cinq le nombre de cadres originaires de Saint-Etienne. Cette année là , le Corps de Saint-Etienne enregistre des statistiques encore jamais atteintes: 5500 sorties annuelles.
Dans les années 70 apparaissent les premières tensions entre le Chef de Corps et le bureau syndical de la nouvelle section C.G.T.F.O., reconstituée en décembre 1970. Tous les sous-officiers et personnels y adhèrent en masse. La première revendication directement présentée à M. le Maire, début 1971, demande l'application du régime 24 h x 24 h aux personnels logés en caserne, ces derniers effectuant un service de 48 h de travail pour 24 h de repos depuis 1952. Le maire donne satisfaction malgré la réticence du directeur des services municipaux de sécurité et du Chef de Corps qui estiment que cette réduction d'heures est incompatible avec le bon fonctionnement du service incendie. Pour la première fois depuis vingt ans, une décision de l'Administration est prise sans passer par le canal hiérarchique de l'autorité, la pression de l'action syndicale dans ce nouveau contexte ayant été déterminante. Au moment où cette situation se produit, elle se reproduira bien souvent par la suite, il n'est pas question pour les hommes qui dirigent le Corps, de faire un pas dans le sens de ces nouvelles méthodes qui remettent en cause la notion de "commandement traditionnel". Ils ne sont pas d'accord, ni sur la manière, ni sur le fond de la revendication, qu'ils jugent dangereuse pour le service. Hommes de formation militaire, ils estiment qu'une rupture irréparable vient de se produire dans la machine qu'ils dirigent. Ils ne peuvent pas, ne veulent pas s'intégrer dans ce nouveau système d'autorité, "essentiellement démagogique", disent-ils.
Aussi privés en partie du contrôle de cette décision, adressent-ils un rapport à l'Administration, dans lequel ils demandent une importante augmentation d'effectif, correspondant à la perte du personnel occasionné par la mise en application du nouveau régime de travail. Les effectifs sont portés de 110 à 228 gradés et sapeurs, par pallier chaque année jusqu'en 1975.
En 1972, le commandant Vidon est admis à la retraite. Il cède la place au capitaine Duverger. André Géhan est son officier adjoint. L'effectif se compose ainsi au 1er janvier 1973: quatre capitaines; trois lieutenants; deux adjudants-chefs; 14 adjudants ; 11 sergents ; 52 caporaux ; 72 sapeurs. Soit 160 hommes. Le parc à matériel se compose de 50 véhicules concentrés dans le garage de la caserne Chavanelle et dans une annexe du Bvd Jules Janin. Lacaserne a été "désertée" par de nombreux pompiers, partis s'installer à l'extérieur. Les officiers chargés des services techniques ont alors fait modifier certains appartements pour réduire leur nombre. Elle compte alors 50 appartements et des chambres de service pour les personnels non logés toujours plus nombreux. En 1972, toutes les possibilités sont saturées.
De nouveaux centres d'intervention
Livré en 1973, le centre d'intervention n°2 de Beaulieu - La Métare (ouvert en juillet) propose une capacité d'accueil supplémentaire de 30 appartements et 40 lits pour les non logés. Le centre d'intervention n°2 de Beaulieu - La Métare est placé sous le commandement du Lieutenant Robin - Monier. Il comprend 2 lieutenants, 16 sous-officiers, 42 caporaux et sapeurs. Il est doté de 30 véhicules. Son secteur de défense comprend les nouveaux quartiers de Beau - La Métare, La Marandinère, Le Rond-point, une partie sud-est de Saint-Etienne, Terrenoire et Rochetaillée, ainsi que les communes limitrophes en premier appel, et des communes de 2e appel. Un autre centre d'intervention est implanté sur le territoire de la commune de Saint-Victor-sur-Loire, qui vient de fusionner avec Saint-Etienne. Il assure dès 1974 la sécurité de la plage et du plan d'eau de Grangent.
1959, incendie de l'hôtel Rondier - alimentation du fourgon d'incendie (SP)
Effectif total en 1974
210 pompiers dont un lieutenant-colonel, Chef de Corps (depuis le 1er janvier 1976); 2 commandants chefs de bataillon adjoints au Chef de Corps; 5 capitaines; 14 lieutenants; 9 adjudants-chefs; 12 adjudants; 24 sergents-chefs et sergents (soit 45 sous-officiers) 143 caporaux ou sapeurs. 70 véhicules.
Hormis les besoins quotidiens, les différents gradés et sapeurs sont répartis dans quatre grands bureaux:
1er: Services d'Administration - gestion de la marche du Corps - Budget et Secourisme
2e: Service prévention - secrétariat de la commission communale de sécurité...
3e: Services techniques - entretien et réparation des véhicules - entretien du casernement - extincteurs des bâtiments communaux - bouches et poteaux dE?incendie
4e: Service intérieur - organisation du programme de travail - instruction professionnelle - services extérieurs...
Regard sur le syndicalisme
Dans les années 1920, les pompiers usent de la liberté d'association procurée par la loi de 1901. Regroupés en Unions départementales, ils sont affiliés à la Fédération Nationale des Sapeurs-pompiers Français, créée en 1882. Déjà apparaissent par ce canal des formes de revendications présentées aux pouvoirs publics. En 1926, le régime de travail est de cinq jours consécutifs. Il y a alors à la Compagnie deux catégories de personnel du fait de l'augmentation des effectifs et pas assez de logements pour tout le monde. Huit sapeurs sont logés à l'extérieur. Pour ces derniers, le régime de travail est encore plus astreignant puisque le règlement calqué sur l'organisation militaire leur impose les mêmes obligations de service qu'au personnel logé, c'est à dire une présence pendant cinq jours. Leurs repas sous forme de panier leur sont apportés chaque jour au poste de garde par l'épouse ou un membre de la famille. Devant cette situation, une délégation du personnel logé à l'extérieur demande au Chef de Corps, le capitaine Gachet, l'autorisation de s'absenter durant une heure trente après chaque prise de garde de 24 heures, entre 7h et 8h30 pour aller chercher le repas à la maison. Refus. La délégation demandent alors une audience au maire, M. Soulié. Par un concours de circonstance, le maire reçoit la délégation en présence d'Antoine Durafour, ministre du Travail qui définit la situation des pompiers "comme celle de fonctionnaires communaux et non comme militaires". Il juge donc la demande recevable. La première revendication venait d'aboutir. Deux ans plus tard, M.L. Jouhaux accueillera le personnel du Corps dans la section syndicale des employés communaux de la Ville de Saint-Etienne.
L'arrivée au pouvoir du Front Populaire va transformer profondément le régime de travail des pompiers. Le maire Soulié et l'administration leur accordent le service de 24h de garde pour 24h de repos. Pour cela 11 sapeurs supplémentaires furent recrutés. Ce fonctionnement durera jusqu'en 1939 où les évènements feront que les personnels affectés spéciaux effectueront trois jours consécutifs de garde. En 1945 est créée une section syndicale CGT. Le régime de travail revient au 24 x 24 h. En 1948, lors des grèves violentes qui touchent le bassin stéphanois, la section syndicale CGT est dissoute pour donner naissance à un syndicat autonome qui aura une courte existence. Naquit alors une section C.G.T.F.O. Cette même année, un projet de militarisation des Corps de sapeurs-pompiers, soulève un tollé de la part des maires. Le projet est abandonné. En 1952, nouvelle modification de régime: 48 h x 24 pour les personnels logés et 24 h x 24 pour les non logés. Et ce jusqu'en 1971 quand Michel Durafour accordera à nouveau à tous les personnels du Corps celui du 24 x 24, appliqué d'ailleurs dans la plupart des grandes villes. L'année 1965 voit naître le premier syndicat des cadres, regroupant des officiers, rattaché à la C.G.C. et dont un capitaine de Saint-Etienne devient le secrétaire. L'année suivante, la profession de sapeurs-pompiers tente à nouveau les militaires. Sans suite. En 1976, une nouvelle section syndicale, CGT, fait son entrée sur la scène. Elle regroupe immédiatement tous les personnels non logés, les jeunes majoritairement, entrés au Corps entre 1971 et 1976. La section C.G.T.F.O. périclite, ne regroupant plus que les sous-officiers, pour la plupart logés. La section CGT se met en grève le 19 janvier 1977. La raison en est des inégalités entre, encore, les personnels logés et non logés. Nous sommes à la veille des élections municipales qui, en mars 1977, porteront au pouvoir le maire communiste Joseph Sanguedolce, celui-ci étant jusqu'alors le secrétaire régional du syndicat CGT. Sanguedolce mit fin au conflit.
1977 - 1980
L'assistance aux victimes de la route
Le Corps de sapeurs-pompiers a vraiment découvert ce nouveau type d'intervention à partir de 1961. La mission étant fixée, il fallut faire face sur le terrain. Il apparut que ces terribles accidents éprouvaient profondément les chefs de garde et personnels d'intervention. Blessés défigurés, aux membres lacérés par les tôles des véhicules, familles anéanties au retour des vacances... S'il peut exister dans le code des traditions, un lieu d'affection avec le feu, le "vieil adversaire", il n'en sera jamais de même avec ce "fléau des temps modernes" qui laisse derrière lui un cortège de deuils, dont les scènes rappellent étrangement la guerre dans certaines circonstances. Pour porter secours, de nouveaux matériels furent mis en service: vérins hydrauliques, burins pneumatiques, découpeurs de divers types... Un véhicule est aménagé en 1972, doté de tous les matériels de désincarcération. L'évacuation des blessés se faisait le plus souvent par les ambulances du Corps. 645 sorties en 1963, 891 en 1967, 2053 l'année suivante...
C'est en 1977 qu'est créé au Centre Hospitalier de Bellevue un service d'aide médicalisé d'urgence: le SAMU 42, service public chargé de proposer en liaison avec les sapeurs-pompiers une assistance médicale aux accidentés de la route. Le nombre de ses interventions fut croissant. 2 498 sorties de juin 78 à mai 79 et 1651 sorties en cinq mois seulement, de juin 79 à octobre 79 !
Le 1er novembre 1978, le colonel Masse௠prend sa retraite. Un départ qui annonce la fin d'une longue collaboration entre le Corps des sapeurs-pompiers de Saint-Etienne et le service départemental de défense et de lutte contre l'incendie au sein duquel travaillaient de nombreux pompiers, notamment dans le domaine de la prévention contre l'incendie. Cette situation particulière à notre département été reconduite chaque fois par les maires et les préfets en place. Si ce système n'avait pas nuis au développement du Corps de Saint-Etienne, il avait certainement empêché la croissance normale du service incendie de la Loire. En 1978, les conditions professionnelles statutaires, les transformations sur l'échiquier politique ne permirent plus la poursuite de ce système. Le 1er juillet 1979, un nouvel inspecteur départemental, le lieutenant-colonel Grimpret arrive à la Préfecture pour prendre la direction des services d'incendie de la Loire qui intègrera bientôt le bureau départemental de Prévention, jusqu'alors implanté dans le CI 2. L'année 1979 est encore une année de transition importante pour le commandement du Corps. Le lieutenant-colonel Gehan est désormais le Chef des sapeurs-pompiers de Saint-Etienne. Il est secondé par les commandants Roure et Surieux, ainsi qu'un groupe de cinq jeunes capitaines. Le lieutenant-colonel Gehan, dans le cadre des nouvelles relations mises en place par la nouvelle municipalité, s'occupe essentiellement des affaires du Corps. Il travaille aussi en collaboration avec un adjoint du maire, M. Teyssier, en charge du service incendie et responsable des personnels en mairie et dont une partie du mandat sera occupée par l'étude du CI 4 dans la zone de Saint-Etienne Nord (les appartements de fonction étant prévus dans les immeubles HLM de la rue des trois glorieuses) et une salle de commandement moderne au CI 2 avec tous les moyens de télécommunication, d'enregistrement et de radio. En 1980, le chef de Bataillon Roure remplace le lieutenant-colonel Duverger, parti en retraite, à la tête des Services municipaux de Sécurité.
Cette même année, la première phase du protocole d'accord conclu entre l'Assemblée des Maires de France et les organisations syndicales professionnelles est appliqué au Corps de Saint-Etienne. Les personnels casernés effectuent un service de 24 h de garde pour 24 h de repos sur une base de 86 h par semaine. Les personnels logés à l'extérieur, les plus nombreux effectuent un service de 24 h de garde pour 48 h de repos sur la base de 56 h. Des nouvelles dispositions qui conduisent la municipalité à porter dans un premier temps les effectifs à 240 gradés et sapeurs. Deux autres phases d'augmentation étant prévues en 1982 et 1984. Un chiffre auquel il faut ajouter une vingtaine d'employés civils, femmes et hommes, qui composent les Services municipaux de Sécurité rattachés au Corps pour en assurer l'infrastructure administrative et technique.
Quelques grands sinistres de 1951 à 1980
19.04.1954 : Feu de toiture important, place de l'Hôtel-de-Ville
16.10.1954 : Usine Schneider, Saint-Etienne
Février 1956: L'hiver est des plus rigoureux. Le gel fait éclater 28 canalisations d'eau
03.05.1959 : Hôtel Rondier, place des Ursules
1961 : Dépôt S.N.C.F (La Rotonde); chaudronnerie au 15 de la rue Verpilleux; Ets Recta à Bizillon-le-Haut
1963 : Habitation au 3, rue Pierre Semard (une personne carbonisée)
1964 : Ets Vidal, rue Berthelot et deux mois plus tard rue de l'Egalerie
1964 : Feu de chalet rue d'Isly (une personne meurt carbonisée)
18.02.1965 : Effondrement d'immeuble place Massenet
1966 : Incendie à la verrerie de Veauche
1967 : Roulottier carbonisé rue Eugène-Muller
1971 : Feu d'immeuble au Crêt de Roc (une victime)
1972 : Crash de Noirétable
1975 : Explosion à Chavanelle
1976 : Incendie au théâtre Copeau
21 septembre 1980 : La Loire en crue. 136 sorties sur secteur et hors secteur
1980 : Recherche d'avion dans le massif du Pilat