D'après un texte publié en 1935 par Jean Combe, Saint-Etienne en 1752 qui s'inspire de L'Almanach astronomique et historique de la ville de Lyon et des provinces du Lyonnais, Forez et Beaujolais, édition revue et augmentée de 1755. On utilise par ailleurs, directement cette fois, le même Almanach pour l'année 1787 et l'Essai sur l'histoire communale de Saint-Etienne avant la Révolution, de Jean-Baptiste Galley (1893). On ne livre qu'un petit aperçu.
A douze lieues au sud-ouest de Lyon, Saint-Etienne est la ville la plus considérable du Forez, sur le ruisseau du Furens, "la plus féconde du gouvernement" et la deuxième de la généralité du Lyonnais. Elle est renommée par ses manufactures dont la réputation et le commerce s'étendent dans tout l'univers commerçant: savoir, la manufacture des armes, employée pour le service de Sa Majesté, celle de la clincaillerie et celle des rubans. Concernant les armes à feu, le chevalier de l'Espinasse est l'inspecteur pour le roi en 1787 des armes de la Manufacture de Saint-Etienne. Les officiers sont : M. Blanc, contrôleur principal des trois manufactures d'armes du Royaume; Lambert, contrôleur de l'arme fine; Merlei, éprouveur des canons. M. Javelle est le contrôleur des platines et baïonnettes. Le garde du dépôt des armes est le sieur Forez. Les entrepreneurs pour le roi: Carrier de la Thuilerie, Dubouchet et Carrier du Réal.
Vers 1752 : Pierre-Brune, inspecteur; Armand, contrôleur; Carteron, éprouveur des canons; Bonnant, contrôleur des platines; Paquet, contrôleur des fusils; les frères Carrier, les frères Duchon, etc., entrepreneurs généraux des armes pour le roi.
L'Almanach de 87 évoque aussi 80 marchands et négociants en armes bourgeoises et de commerce. On y trouve l'élégance et la richesse réunies au goût et à la solidité. Cette fabrique se soutient par l'attention qu'on a de ne délivrer que de bons ouvrages, et par le soin de former de bons ouvriers. Il serait impossible de donner un détail de toutes les espèces de clincailleries qui se fabriquent à Saint-Etienne, en fer, en acier, en cuivre, fines et communes. Si elles n'ont pas le brillant de celles d'Angleterre, elles ont infiniment plus de solidité. Son commerce s'étend dans toutes les parties du monde connu.
Etat ecclésiastique
L'archiprêtré de Saint-Etienne, créé au XVIIIe siècle, fait partie à la veille de la Révolution du diocèse de Lyon, au même titre que ceux de Montbrison, Feurs, Pommiers, Néronde, Roanne, Courzieux (Rhône) et Mornant (Rhône). Tous ayant des paroisses, annexes ou parties de paroisses situées sur le territoire de la province de Forez. D'après le Dictionnaire topographique du département de la Loire, l'archiprêtré de Saint-Etienne compte en Forez 30 paroisses et 7 annexes. A titre d'exemple d'annexe, citons Veauchette, annexe de Veauche. Quatre autres de ses paroisses et une annexe ont leur territoire partagé entre le Forez et le Lyonnais ou le Velay. Saint-Christo-en-Jarez par exemple dont le bourg est en Forez et Valfleury en Lyonnais, ou Saint-Just-Malmont, à l'époque nommé Saint-Just-les-Velay, qui a quelques hameaux en Velay. Des diocèses autres que celui de Lyon ont des paroisses situées en Forez. Par exemple, un certain nombre de paroisses ou parties de paroisses dépendaient du diocèse de Vienne (Bourg-Argental, Véranne,...), d'autres encore de ceux d'Autun et Clermont.
Concernant l'Archiprêtré de Saint-Etienne, l'Almanach de Lyon de 1787 indique 40 paroisses, 11 annexes et une succursale en Forez. "Succursale" semble être la même chose qu'"annexe". Le Dictionnaire topographique en tout cas ne fait pas la distinction et souligne, d'une part, la difficulté à établir cette nomenclature et d'autre part que les Almanachs de Lyon, en particulier, contiennent beaucoup d'erreurs.
Il y a deux paroisses à Saint-Etienne même. La plus ancienne est sous l'invocation de saint Etienne. La seconde, sous celle de Notre-Dame, fut d'abord érigée au titre de succursale, l'an 1669. Elle devint paroisse en 1754. Jusqu'à cette date, un curé donc présidait aux deux églises.
En 1787, Saunier du Lac (ou Sonyer Dulac) est le curé de Saint-Etienne et l'archiprêtre. Il est nommé à la cure par le seigneur de Saint-Priest, Gilbert de Voisins, le dernier des seigneurs de Saint-Etienne - qui vend cette même année sa seigneurie au roi de France - comme l'est son homologue de Notre-Dame, M. Fromage. Leurs vicaires respectifs sont MM. Bodet et Roussel, Bourdely et Cunit.
La paroisse de Saint-Etienne a pour annexes Planfoy et La Ricamarie dont les vicaires sont MM. Frachon et Duché.
Les chapelles "rurales" sont celles de Sainte-Barbe, Saint-Roch et de La Monta. A celle de Saint-Roch " le clergé séculier et régulier, et le corps de ville vont processionnellement, le jour de la fête du saint, accomplir un voeu de la ville"; à celle de La Monta "il y a une grande dévotion". L'histoire de ces deux chapelle est liée au fléau de la peste.
Les Minimes sont établis dans la ville depuis 1608. Leur chapelle est belle - c'est l'église Saint-Louis - leur maison - futur lycée - est grande et bien bâtie dans le centre. Le couvent contient quinze religieux vers 1752 - R.P. Lambert, correcteur; R.P. Boulet, sacristain. En 1787, le R.P. de Clugny est le correcteur.
Les Capucins se sont établis en 1618 près du Clapier. Leur couvent abrita bien plus tard par la suite la Providence des jeunes orphelines.
Il y a plusieurs communautés de religieuses. Les premières installées, de l'ordre de Saint-Dominique, vinrent du Puy dans les années 1610 et s'établirent dans ce qui allait devenir plus tard le couvent des Ursulines (place des Ursules). En 1752, la prieure est une dame de Curnieu. En 1787, c'est Mme Bagneux. Elles déménagent en 1633 au Nord du Pré de la Foire (place du Peuple). Le passage Sainte-Catherine conserve aujourd'hui le souvenir de leur couvent dit de Sainte-Catherine. Elles sont remplacées dans leur ancien couvent par les Ursulines, venues de Saint-Chamond. Supérieure: Mme Bourg au début des années 1750 et Dubost à la veille de la Révolution.
La 2e communauté à s'être installée est celle des religieuses de la Visitation de Sainte-Marie, appelées de la ville de Lyon. Leur couvent, le 13e de l'ordre, fut fondé dans la rue de Lyon (Pierre Bérard aujourd'hui) en 1620 par une dame Molin-Réal, décédée en 1656 à l'âge remarquable de 97 ans. Prieure: Mme Praire (1752), Mme Delurnieux (1787). Les soeurs de la Visitation furent expulsées pendant la Révolution, le 25 septembre 1792. Le couvent ne fut rétabli qu'en 1835. Ces trois communautés tiennent des pensionnaires.
La 4e enfin est celle des hospitalières de Notre-Dame, venues de Bourg-en-Bresse en 1666. Elles sont consacrées au service des malades de l'Hôtel-Dieu, par un quatrième voeu. Les prieures aux deux époques qui nous intéressent étaient Mmes Staron et Gallien. L'Hôtel-Dieu, bâti en 1645, est situé à l'emplacement de l'actuelle Poste, square Violette. Dans les années 1750, ses administrateurs sont: Chovet, secrétaire du roi, premier recteur; le curé de Saint-Etienne, second recteur à vie; Caze, avocat au Parlement; Dubouchet, trésorier; Carrier et Thomas. En 1787: MM. de Lurieu, écuyer, président; le curé de Saint-Etienne; Praire l'aîné; Ferrandin; Barrallon; Neyron le cadet, etc.
Médecin: Le More (1752) et Ricataud (1787). Chirurgiens: Girard et Leclerc en 1787. Le nom Girard apparaît déjà en 1752.
Il y a une salle et ses dépendances attenantes à l'Hôtel-Dieu, sous la direction du bureau de cet établissement, où sont reçues les femmes pour y faire leurs couches. Elles n'y sont admises qu'à la faveur d'un certificat signé du curé de leur paroisse, qui atteste qu'elles sont: 1. pauvres; 2. de la ville; 3. de bonnes moeurs. Elles y sont accouchées avec soin par les chirurgiens et gardées un mois avant et un mois après. On fournit tous les enveloppements nécessaires à l'enfant, ce qu'on appelle le trousseau, que la mère emporte lorsqu'elle est relevé de ses couches.
L'hôpital de la Charité existe depuis très longtemps. Outre les pauvres qui y sont entretenus (300 dans les années 1750), le bureau distribue aux pauvres de la ville et de la campagne (800 familles) plus de vingt quintaux de pain chaque semaine. On y distribue aussi des remèdes et des bouillons pour les malades; on y panse les plaies. Cette maison renferme dans son enceinte deux vastes salles pour les malades incurables. C'est la "Maison des incurables" fondée par les soeurs Thiollière au début du XVIIIe. Il y a aussi d'autres salles pour les filles dites de la Providence (orphelines); un refuge pour les filles pénitentes et des lieux de correction pour la jeunesse indocile.
MM. Fromage, l'un avocat au Parlement et l'autre curé de Notre-Dame; François Ravel, négociant; Praire de Terre Noire, secrétaire du roi, figurent parmi les administrateurs en 1787. L'aumônier est M. Bernard. Les apothicaires sont MM. Dormand et Verne. L'apothicairerie de la Charité jouit d'une grande réputation.
Depuis quelques années se trouvent aussi à Saint-Etienne, les Dames de la Miséricorde qui font la quête tous les mois dans leurs paroisses respectives. On y soulage une infinité de pauvres honteux à qui on donne du pain, de la viande, s'ils sont malades, des habits, des lits. On paie des mois de nourrice.
Il existe deux confréries. Celle des Pénitents du Saint-Sacrement, établie dans les années 1620 et celle des Pénitents du Confalon qui a sa chapelle à Polignais (1750). Il y a quatre écoles gratuites pour les pauvres garçons de la ville, deux dans chaque paroisse, et quatre autres pour les pauvres filles, tenues par les soeurs de Saint-Charles dont la supérieure, en 1787, est soeur Sabathier.
L'article de Combe n' indique que deux écoles de garçons pour 1752, établies depuis la seconde moitié du XVIIe siècle.
Municipalité et Milice bourgeoise
Le maire est M. Neiron (ou Neyron). Son lieutenant est M. de Solemieu (ou Soleymieux), écuyer. Les échevins Protton et Lardon. C'est ce qu'indique l'Almanach de 1787 mais d'après l'historien Jean-Baptiste Galley, Jacques Neyron est le maire de 1778 à 1784. Il est alors remplacé par Jean-François Courbon de Monviol dont le lieutenant est Jean-Claude Chovet. Celui-ci remplaçant Vincent de Soleymieux.
Quant aux deux seuls échevins de ce temps, il s'agirait de Guillaume Plotton, marchand en quincaillerie, et Louis Lardon, marchand de rubans, tous deux nommés par le roi au 1er janvier 1782.
D'après Galley, ils auraient dû quitter leurs fonctions au bout de deux années mais en 1786 et 1787, il s en étaient encore à accabler l'administration de suppliques pour être remplacés. Ils le furent finalement en décembre 1787, après six ans de magistrature. Se mit alors en place la dernière municipalité de l'ancien régime, composée du maire Jean-François Courbon de Monviol, de son lieutenant, et, cette fois, quatre échevins: Claude-Antoine Detours, Antoine Robert, Antoine Dormand et Joseph Terrasson.
A cette époque, l'assemblée de ville ne se tient toujours pas dans l'hôtel de ville situé près de la Grand Eglise et qui menace ruines depuis des lustres. En 1756 déjà , l'assemblée se tenait dans une salle de la rue des Fossés. Les réparations sont toujours sur la liste des travaux à accomplir en... 1779. L'hôtel de ville, qui n'en a que le nom, sera finalement vendu en l'état en 1792.
Quatre compagnies forment la milice bourgeoise. L'Almanach de 1787 nomme Carrier Dumolard le capitaine-colonel de la première compagnie. Son lieutenant est Lambert père, et son enseigne Lambert fils. Son drapeau blanc arbore un aigle tenant les foudres de Jupiter. Sa devise est "Jovis Parat Arma Triumphis". Plus de trente ans plus tôt, si l'on en croit Combe, elle avait pour capitaine-colonel et lieutenant, respectivement Jean-Louis Carrier et Jean-Baptiste Lambert. La seconde a pour capitaine M. Thiollière de la Réardière. Elle a un drapeau blanc et vert. Le lieutenant en poste en 1752 était un certain Pierre-Antoine Thiollière. La 3e a pour capitaine un Monsieur Sauzéa et son drapeau, blanc et rouge, porte un faisceau d'armes et la devise "Prodit et Arma Ministrat". La 4e, commandée par M. Philippon, a un drapeau bleu et blanc qui arbore Vulcain forgeant des traits et a pour devise: " Tela Giganteos Debellatura Furores". Ces quatre grandes compagnies, qui correspondent chacune à un secteur de la ville, étaient issues de sept anciennes compagnies regroupées au milieu du XVIIIe siècle. Galley les nomme respectivement: la Colonelle, la Foudroyante (ou la Lieutenante), la Superbe et la Conquérante. Il donne la description faite par d'autres auteurs des drapeaux pour l'année 1735.
On retrouve dans la description de celui de la première, la couleur blanche, l'aigle et les foudres, mais aussi une grande fleur de lys à chaque coin. Il donne deux possibles devises: celle encore mentionnée en 1787 mais aussi "Parat Arma Jovis". La 2e aurait eu alors un drapeau à croix blanche avec au milieu un soleil d'or et des intervalles écartelés de rouge et de vert en feuillages. La description d'un autre drapeau ayant appartenu à cette même compagnie signale qu'il était vert, avec une croix blanche et au centre un arbre couvert de feuilles, une fleur de lys à chaque coin avec devise "Multo Pauca Labore". On retrouve dans celui de la 3e le rouge et le blanc mais aussi, comme motif, un soleil d'or, quatre fleurs de lys et l'inscription "Solus et Maximus" (ou "Unus et Maximus"). Enfin, celui de la 4e est bleu avec une croix blanche et porte un lion d'or.
La compagnie de l'Arquebuse devait certainement avoir aussi son drapeau mais l'almanach de 1787 n'en fait pas mention. Il donne par contre le nom de ses membres les plus illustres au rang desquels figure le seigneur de Saint-Etienne. Son capitaine est le baron de Rochetaillée et son roi M. Carrier. Le roi de la Compagnie du Jeu de l'Arc est alors un certain Merlai. Il y a à cette époque trois ou quatre autres compagnies d'archers et déjà deux compagnies de jeu de sarbacane.