.Saint-Rambert...
.
.Et ses armes: les deux chaudrons (ou pots à feu) illustreraient le souvenir de l'accueil fait aux pèlerins à "l'Hôpital-Vieux"
.
Saint-Rambert possédait un port sur la Loire, sans doute même depuis l'époque gauloise. Mais son développement, en même temps que celui du village de Saint-Just-sur-Loire sur sa rive droite, fut bien plus tardif et lié à l'exploitation du charbon du bassin stéphanois. Ce n'est vraiment qu'au XVIIIe siècle, avec la batellerie, que les deux rives prospérèrent grâce aux eaux du fleuves rendues navigables entre Roanne et Saint-Just en 1705. Les barques, nommées « rambertes » ou « sapines », transportaient le charbon de Roche-la-Molière et Saint-Etienne en direction de Roanne et au-delà . Deux industries allaient aussi se créer plus tard à Saint-Just: une teinturerie et une verrerie.
La rive gauche prit le nom de Saint-André-des-Olmes quand douze moines bénédictins dépendant du monastère de l'lle Barbe s'y installèrent au VIIIe siècle et construisirent d'abord la chapelle qui est mentionnée sous le nom de chapelle Saint-Jean à partir de 1307. Une autre chapelle, sous le patronage de saint Côme, est citée dès 971. La chapelle Saint-Jean, à côté de l'église servit par la suite de baptistère jusqu'en 1828. Quant au cloître, c'est sur les ruines d'un temple romain, ainsi que nous l'avons déjà écrit, que les moines entreprirent de l'élever. Ils le dédièrent d'abord à saint André. Ce n'est qu'à partir de 1078 que le prieuré, et la cité avec lui, prirent le nom de Saint-Rambert. Tout simplement parce que les reliques du saint y furent amenées.
.
Sur le " chemin des étoiles ", vers la Galice et le tombeau de Messire saint Jacques
La légende, maintes fois racontée, nous dit que les reliques de Rambert, assassiné le 13 juin 675 par les sicaires d'Ebroin, maire du Palais, étaient gardées au monastère de Saint-Domitien, à Saint-Rambert-en-Bugey. Bien loin du Forez donc, au-delà de Lyon, jusqu'au jour de l'an 1078 où un homme le vit apparaître en songe pour lui commander de transporter ses restes du Bugey en Forez ! Et voilà notre homme qui enleva les ossements de Rambert (et de Domitien, tant qu'à faire), les enfouit dans des sacs de toile et prit le chemin de Saint-André. Dans une forêt, il rencontra le comte Guillaume de Forez à qui il raconta son aventure et dévoila le contenu de son fardeau. Guillaume l'emmena dans sa demeure et son épouse, la belle Vandalmonde (d'après Jean Combe), sortit une belle chape de ses bahuts pour y enfouir les reliques. Et un joyeux cortège prit le chemin de Saint-André où tout le monde, y compris les eaux de la Loire au « Gué de la Roche », firent une haie d'honneur aux reliques de saint Rambert et de saint Domitien.
.
.La chasuble: jusque dans les années 30 elle était revêtue par l'officiant lors de la fête patronale
.
Cette chape mystérieuse, évoquée plus haut, classée Monument historique, est aujourd'hui encore précieusement conservée au Musée des Civilisations de Saint-Rambert. C'est un des joyaux du Forez. En soie brochée, des filigranes d'or y dessinent des bandes et des chevrons réguliers, ornés de lions et de faucons affrontés. On peut y lire aussi sur sa face pectorale les mots arabes « Le très haut » et sur l'autre la première phrase de la profession de foi des Musulmans, ou bien encore « La gloire et la durée sont en Dieu ». Provenant d'Orient ou de Sicile, elle serait en effet, selon les datations, contemporaine de la translation des reliques. Peut-être a-t-elle été ramenée de Terre Sainte par un comte de Forez en croisade, en l'occurrence Guillaume l'Ancien, tué sous les murs de Nicée en juin 1097.
.
.
C'est le prieur de Saint-Rambert qui était à la tête de la seigneurie qui s'étendait aussi sur quelques paroisses voisines. A ce titre, il nommait le curé de la cité et les chanoines du prieuré. Il avait aussi toute justice, haute, moyenne et basse et même "dernier supplice" sur Saint-Rambert et les paroisses voisines. Ce droit de justice pouvait aller jusqu'à la peine de mort. Le prieuré rambertois était le seul parmi les monastères foréziens à avoir le privilège de faire exécuter sur ses terres les sentences rendues par son seigneur. Aujourd'hui encore, le mur de la "porte des Lions" garde gravé le souvenir de ce droit de justice: un lion et un dragon. Son "droit de ban" lui permettait aussi la levée d'impôts sur les fours et moulins.
.
Témoignages des anciennes confréries du Scapulaire, des Agonisants, des Pénitents...
La première mention du pont (en bois) sur la Loire, source de revenus importants, daterait de 1258 mais il semblerait qu'un bac eut existé dès l'époque gallo-romaine. En 1264, une dispense de péage fut étendue à tous les habitants de la cité. Les religieux eux, bénéficiaient depuis longtemps déjà d'une exemption pour leur passage ainsi que pour celui de leurs serviteurs habitant Saint-Rambert et de leurs animaux. Un pont en pierre aurait été construit (ou restauré ?) en 1395. On sait aussi qu'au XVIe siècle, l'archevêque de Lyon, membre de la Ligue, aurait fait détruire le pont pour retarder l'entrée des troupes royales en Forez. Il aurait été emporté à nouveau, cette fois par une crue vers 1608 et à nouveau vers 1630, selon Auguste Bernard.
.
.Pont Saint-Rambert au XVe siècle
Armorial de Guillaume Revel
.
La situation géographique de Saint-Rambert fit de la cité un lieu de passage et participa de sa relative prospérité. Un marché qui s'y tenait le jeudi y fut créé en 1198 par le Comte de Forez Gui II et il y est fait mention d'un hôpital pour les pauvres dès 1316. Elle en faisait aussi une proie pour les bandes de pillards. Ainsi la cité fut prise par les Anglais et pillée en janvier 1388 par les Routiers qui écumaient la région. La cité devait compter alors environ un millier d'âmes, comme Sury ou Feurs. Elle connut aussi plus tard - et c'est bien plus réjouissant - la visite du futur roi Charles VII (1420) et surtout de François Ier, en route vers Montbrison (1536). Une tradition locale nous dit que les habitants lui donnèrent le spectacle d'une joute. Une pratique qui perdure encore de nos jours, quoique de moins en moins.
Vitrine de La Sirène, réalisée par les Amis du Vieux Saint-Rambert,aux abords du Musée des Civilisations
En marge des processions en l'honneur de la Vierge et de saint Nicolas, des jeux d'eau, dont les joutes, permettaient aux mariniers (voir plus loin) de montrer leur force et leur adresse. Deux méthodes de joutes nautiques sont encore pratiquées en Rhône-Alpes et à Saint-Just-Saint-Rambert, la joute lyonnaise et la joute givordine. En méthode lyonnaise, les bateaux se croisent à gauche et en givordine, ils se croisent à droite. La Sirène est une société de sauvetage et de joutes fondée en 1902. Elle a remporté la Coupe de France des clubs en 1989. Trois de ses membres ont été sacrés champions de France: Paul Pansier en 1972 (catégorie junior lourd), Nicolas Rajot en 1986 (junior léger). Celui-ci fut aussi finaliste l'année suivante. Eric Chetail, en 1989, décrocha le titre dans cette même catégorie.D'autres encore, Joannès Poncet (1957), Jean-Paul Chetail, Guy Paulet..., ont porté haut les couleurs de la Sirène.

.Peinture sur un bar de Saint-Just
.
.Défilé des jouteurs de Saint-Just vers la mairie
(années 20, détail d'une carte postale)
.
Dans son ouvrage Les routes du Forez (1925), L.J. Gras a répertorié les différents axes de communication qui firent de la petite cité un lieu de passage important. Une première voie importante, suivie au Moyen Age et jusqu'au XVIIIe, reliait Lyon à Saint-Rambert puis continuait vers Usson et bien au-delà jusque vers l'Aquitaine. Elle était une alternative à la célèbre voie Bolène. Un second axe reliait la cité à Moingt, pratiquement en ligne droite jusqu'à Saint-Romain-le-Puy. Une autre menait vers Saint-Chamond puis Vienne. Une autre encore, de grande importance pour les relations futures entre la cité du charbon et le port de la Loire, la reliait à Saint-Etienne. Il y avait enfin le chemin du Velay via l'Etrat, Firminy et le Chambon.
.
.Vestiges des remparts
.
.Détail de la porte de la " Maison du Forez " (qui abrita le premier musée) et un superbe travail de bois et de ferronnerie sur une autre
.
Au début du XIIIe siècle, la cité poursuivit son évolution séparément de celle du prieuré qui s'enferma dans ses murailles de 340 mètres délimitant une surface d'environ 6 500 mètres carrés. Concernant l'activité économique, Fournial, dans Les villes du Forez, évoque la présence à Saint-Rambert de forgerons, de tanneurs et de tisseurs utilisant le chanvre.
.
Saint-Rambert médiéval, d'après E. Fournial, avec son fossé défensif coupant le bourg en deux. 1 - Place de l'Hôpital 2 - Place Grenette. Six rues principales ont pour noms: rue du Plâtre (au sud-ouest), rue du Bost (au sud), rue du puits d'Argent, rue du Bourg-Chorier (vers la porte du même nom), rue de la Boucherie et rue du Poyet au nord...

Le château Gaillard: Cette partie adossée aux murailles appartenait aux comtes de Chevrières. Jean-Baptiste Louis Andrault, marquis de Maulévrier et comte de Chevrières, maréchal de France et chevalier de la Toison d'Or vendit ces bâtiments à la famille de Saint-Méras en 1751. Après la Révolution, la famille de Meaux en fut la détentrice jusqu'en 1860 quand elle les vendit à Jean Deschaud, propriétaire et maître maçon.

.
A la fin de l'Ancien Régime, Saint-Rambert était une des 13 villes vocables du Forez, c'est à dire une des cités dont les consuls (représentants) avaient voix aux délibérations des assemblées des Etats du Pays. Citons les autres pour mémoire : Saint-Bonnet-le-Courreau, Saint-Germain-Laval, Cervières, Boen, Sury, Saint-Galmier, Saint-Etienne, Roanne, Saint-Héand, Bourg-Argental, Saint-Bonnet-le-Château et Montbrison. Archiprêtré dépendant du baillage de Montbrison, au même titre que sa voisine de Saint-Just, la cité perdit les bâtiments de son prieuré, détruits par un incendie. Ils furent reconstruits en 1779 par le prieur de Montjouvent et abritent de nos jours le Musée des Civilisations. Fondé par Daniel Pouget en 1970, rue Simiane-de-Monchat (du nom d'un ancien prieur), il garde les témoignages les plus marquants de la longue histoire de la petite ville. On peut y voir aussi un magnifique escalier en bois sculpté.
.
.La porte de la Franchise, porte de l'enceinte intérieure, où se trouve une reproduction de " Notre-Dame de la porte de Franchise " (l'originale en bois de noyer se trouve au musée) tient son nom du droit d'asile dont bénéficiaient les délinquants qui parvenaient à entrer dans l'enceinte du prieuré. La cité comportait quatre autres portes, ouvrant le bourg : la porte de Bost (ou du Bois ?) qui conduisait vers le sud, vers Chambles et l'Hermitage de Notre-Dame de Grâces, la porte du Poyet en direction de Saint-Marcellin en Forez et de l'Auvergne, la porte de Bourg-Chorier qui menait au cimetière des pestiférés. Cette dernière était donc gardée par Notre-Dame de Bon Secours. La porte du Pré-Fangéat menait en direction de la Loire.
.
.Une statue de Notre Dame, gardienne de la cité, se trouvait sur chacune des portes
.
La Révolution
L'année 1788 fut marquée en Forez, comme dans tout le royaume, par une mauvaise récolte et le manque de pain provoqua des troubles dans les communes de Saint-Just et de Saint-Rambert, comme en de nombreux autres lieux de France. En prévision des Etats Généraux convoqués par le roi, l'Assemblée générale des trois ordres en Forez se tint le 16 mars 1789 à la chapelle des Pénitents à Montbrison. Il semblerait que seuls les Cahiers de doléances de Saint-Just nous soient parvenus. Il y est question de la mauvaise répartition de l'impôt, de l'inégalité sociale, mais aussi du prix du transport du charbon.
Le 17 juin 1789 fut proclamée à Versailles l'Assemblée Nationale des députés du Tiers Etat, rejoints par quelques membres du Clergé et de la Noblesse. La révolution municipale qui suivit en province amena à Saint-Just la constitution d'une assemblée comprenant un noble en la personne de Gonyn de Lurieu, Duchou, curé de Saint-Just, et de deux représentants du Tiers Etat : Grange et Thomas Labarre. La « Grande Peur » de juillet-août 1789 n'épargna pas le Forez. A Saint-Rambert, des émeutes éclatèrent, notamment à l'occasion de la vente et du transport en bateau de grains vers d'autres régions. Des rumeurs, faisant état de troupes de brigands rôdant dans les campagnes alentours, amenèrent les habitants de Saint-Just et de Saint-Rambert à s'unir pour faire face au danger. Une menace qui s'avéra imaginaire.
En revanche, les crues de la Loire qui frappèrent Saint-Just en octobre et novembre causèrent de terribles dégâts. Il y eut des pertes humaines et plus de 100 maisons furent balayées dans le quartier des Barques ! Le vieux pont, dit romain, situé à Saint-Just devint inutilisable ; ses piles étaient à sec. Désormais la Loire coulait dans un nouveau lit.
.

.Crue de la Loire à Saint-Just il y a quelques années
.
Le 14 juillet 1790 fut en revanche un jour de grande fête. Dans le « pré du cloître », face au cimetière actuel de Saint-Rambert, les habitants de Saint-Rambert, Saint-Just, Bonson, Chambles, Saint-Cyprien... fêtèrent la Constitution et l'union de la Nation. Le curé Duchou et le chanoine Benevent célèbrèrent un Te Deum à l'église et tous prêtèrent serment de fidélité dont Chapelle, chirurgien et maire de Saint-Rambert. Le 27 novembre eut lieu l'événement qui, à terme, allait précipiter la France dans une affreuse guerre civile et causer le génocide vendéen. L'Assemblée Constituante décréta la Constitution Civile du Clergé, imposant aux religieux de prêter serment à la Nation. Une partie du clergé refusa de prêter serment mais pas le curé Duchou (Saint-Just), ni le curé Bérardier (Saint-Rambert) et son vicaire, Jacquier. Le premier prêta serment dans son église lors d'une bénédiction des drapeaux.
En mars 1791, les biens des chanoines de Saint-Rambert furent vendus. Un bulletin des « Amis du vieux Saint-Rambert » nous indique que la vente au total rapporta 74 158 livres et 12 sols. Les grands bâtiments du prieuré furent vendus 5 720 livres, d'autres bâtiments, trois moulins et une prairie rapportèrent 52 997 livres. Les autres biens étaient constitués de deux étangs, de diverses terres, vergers et bâtiments. L'heureux nouveau propriétaire fut un certain Marcoux, un habitant de Saint-Rambert qui devait devenir maire de Saint-Rambert en 1792. Face à la menace étrangère et les besoins en bronze pour les canons, les cloches des deux églises furent cassées et transportées au port, pour être acheminées où ? Le bronze ne suffisant pas à défendre la Patrie en danger, le jeune département de Rhône-et-Loire décida la levée de près de 5 000 hommes. Ce départ massif ne fut sans doute pas sans conséquence sur l'activité économique des centres actifs qu'étaient alors Saint-Just et Saint-Rambert.
.
.
.
L'année 92, an I de la République, fut marquée à Saint-Rambert par l'affaire Achimbaud qui eut un grand retentissement. Antoine Archimbaud, adjudant-major de la Garde Nationale de Saint-Rambert, ami du sinistre Javogues provoqua une grave émeute. A l'origine de l'affaire, des parcelles voisines du prieuré considérées par les habitants comme étant des biens communaux et où ils faisaient paître leurs bestiaux. Le maire de Saint-Rambert, Gérentet, fit dresser un procès-verbal et ordonna de libérer les lieux. Mais très vite, le pré fut à nouveau occupé et le district de Montbrison nomma une commission de conciliation. Jean Berry Labarre, chef des Légion du Midi, négociant de son état, Chavassieu d'Audibert, commissaire du district et Benoît Bernard, commandant du bataillon de Saint-Rambert échouèrent à faire entendre raison à la population. Celle-ci fut excitée par Archimbaud et la Garde Nationale refusa d'obéir à son capitaine.
.

.
Devant la menace de l'émeute, l'arrestation d'Archimbaud, « chef de la révolte et instigateur de la démolition de plusieurs immeubles » fut ordonnée par le département dans la nuit du 27 au 28 avril 1792. Le meneur, considéré par les habitants des deux communes comme le défenseur de leurs droits, fut écroué à Montbrison. A la nouvelle de l'arrestation, le peuple se souleva au son du tocsin et, rejointe par la Garde Nationale, assaillit les demeures des maires Gérentet (à Saint-Rambert) et Durand (à Saint-Just). Dépêché à Lyon pour rendre compte de la situation, Jean Berry Labarre put se rendre compte que la contestation gagnait Saint-Etienne et Saint-Chamond ! Le maire de Saint-Etienne, Desverneys prévint le district que les Gardes Nationaux de sa ville étaient même prêts à se rendre à Saint-Rambert. Et en effet, 1 200 hommes armés marchèrent sur la cité forézienne, se joignirent aux émeutiers puis gagnèrent Montbrison pour réclamer la libération d'Archimbaud.
Celui-ci fut vite "élargi" et revint triomphalement à Saint-Rambert. Plus tard, il devint un des bras-droits de Javogues, un des bourreaux de Feurs et fit payer de sa vie la tentative de Jean Berry Labarre d'enrayer l'émeute.
La Garde Nationale de Saint-Rambert et de Saint-Just, souvent évoquée, comprenait au total environ 800 hommes, répartis en huit compagnies à Saint-Rambert et cinq à Saint-Just. Composée de citoyens actifs (payant l'impôt), ses officiers et sous-officiers étaient élus.
.
.Cette période fut aussi marquée par la disette. Dans le Forez, le prix du pain passa de 4,5 sols la livre à 8 sols
En 1793, les Vendéens (« ce peuple de géants » a dit Napoléon qui s'y connaissait), rangés derrière des chefs de légende, se soulevèrent en masse contre les excès de la jeune République. La révolte gagna la Bretagne puis le bocage normand pour essaimer partout en France sous la forme de guérillas. Le Forez eut aussi sa « petite vendée », principalement dans les montagnes. La lutte contre les religieux s'intensifia de plus belle et le patrimoine des églises fut parfois jeté aux flammes. A Saint-Rambert, une statue en bois de la Vierge fut sauvée in extremis par une mère de famille qui l'acheta pour quelques francs à un sans-culotte qui s'apprêtait à la jeter dans le brasier. Le 12 août 1793, le département de la Loire fut créé par un arrêté de la Convention signé par Dubois-Grange, Javogues et Gauthier. En 1794, la Terreur fut mise à l'ordre du jour et un Comité de surveillance fut créé à Saint-Rambert. Composé de dix membres, il comprenait notamment Montchal, Chapelle, Besson, Barailler... Ce sont eux qui envoyèrent à la mort Berry-Labarre, Gonyn de Lurieu fils, et d'autres qui ne surent sans doute pas toujours pourquoi ils avaient été condamnés. 17 Rambertois furent mis à mort parmi les 315 Foréziens qui périrent sous la tyrannie révolutionnaire. Quelques noms : Dugenne, homme de loi, Durand, perruquier, Lechand, propriétaire, Gubian, rentier, Viannet, domestique... Et le Belge Lambert Harmoir, Dom Jérôme en religion, le dernier ermite du Val Jésus à Grangent. Il avait refusé de prêter serment et vivait comme un camisard depuis deux ans. Saint-Just fut rebaptisé Mont Chalier ou Just tandis que sa voisine devenait Mont Marat ou simplement Rambert. Ses remparts furent détruits à l'exception d'une petite partie qui subsiste encore.
.
.Le tympan en bois de l'église de saint-Just provient de Notre-Dame de Grâces, d'où l'emblème des Oratoriens
.
L'église de Saint-Rambert, pardon de Mont Marat, fut transformée en entrepôt de fourrage et en atelier de forgeron. Miraculeusement, la précieuse chasuble fut soustraite à la soif de destruction des sbires de Javogues et caché en lieu sûr chez une habitante, Mlle Chapoton qui la garda durant des années dans une arche à grain, pour ne la remettre qu' en 1801. Citons encore Suzon Treilland qui cacha précieusement dans un tas de fumier, devant sa porte, un bréviaire relié en marocain rouge que lui avait légué Antoine Condamine, chanoine du prieuré.
.
Mais plus que les exactions vis à vis des lieux de culte et la persécution des ministres de la religion, c'est la conscription qui devait susciter le plus de réactions. La Loire fut un département particulièrement réfractaire à la levée en masse, que ce soit pendant les années révolutionnaires ou durant l'Empire. Fin 1795, le canton de Saint-Rambert par exemple, ne fournit pas le contingent demandé et des incidents eurent lieu. Les mariniers allèrent jusqu'à remplacer, sur les mâts de leurs bateaux, la flamme tricolore par le blanc de la monarchie.
.
.Les bords de Loire à Saint-Just
.
La batellerie
C'est en 1704 que le premier bateau descendit la Loire depuis Saint-Rambert et que le quartier des Barques actuel (à Saint-Just) fut nommé « Grand-Port ». Deux ans plus tôt en effet, des Lettres Patentes avaient accordées au Sieur Manessier, puis au Sieur de Lagardette, de pouvoir faire naviguer des bateaux depuis Saint-Rambert ou Monistrol jusqu'à Roanne. Pour cela, le fleuve dut être débarrassé, en les faisant sauter, des nombreux rochers qui encombraient son lit, notamment vers le « Saut du Pinay ».
.
.Maquette de ramberte fabriquée par les Amis du rail forézien, photo de René Fessy
.
Destinée au transport de la houille stéphanoise, acheminée vers Saint-Just-Saint-Rambert à dos de mulets, la première barque ou « cabane » (nommées plus tard « sapines », ou bien encore « rambertes ») fut construite par Bernard Robelin d'Yguerande, en Saône-et-Loire. Un bulletin des Amis du Vieux Saint-Rambert nous apprend qu'elles étaient faites avec de longues planches de pin qui les rendaient particulièrement souples. Leur fond plat, un avant de forme relevée, un arrière presque vertical et carré offraient au courant du fleuve le maximum de prise et en recevaient un maximum de poussée. Ces bateaux avaient environ 75 pieds de long (un pied = 33 cm) pour 4 mètres de large et 1 mètre 10 de profondeur. Ils pouvaient transporter 25 à 36 tonnes de charbon !
.
.Mairie de Saint-Just
.
.Outils de charpentier de marine, André Grange, St Just St Rambert
photo de René Fessy
.
Les Amis du Vieux Saint-Rambert nous apprennent encore que certains jours, ce sont des convois de plus de cent embarcations qui arrivaient à Roanne. Douze millions de tonnes de charbon furent ainsi transportées par 250 000 bateaux depuis Saint-Just, Saint-Rambert, La Noirie, Andrézieux ou Roanne vers Nantes. Dans les années 1820 par exemple, l'autre port, « à la limite du possible », celui de La Noirie (construit en 1817 en amont de Saint-Rambert), connut son apogée avec plus de 400 bateaux. En 1833, son trafic passa à 70 bateaux seulement.
.
.La ramberte construite en 1995 par Défibois pourrit sur les berges du fleuve
.
Le déclin de la batellerie fut causé par l'ouverture de la première ligne de chemin de fer qui, à partir de 1827, remplaça les convois de mulets dans l'acheminement du charbon vers Andrézieux. Avec le développement inexorable de ce nouveau moyen de transport, la batellerie de Saint-Just et de Saint-Rambert périclita. Vers 1840, le tonnage de charbon expédié à Roanne par le chemin de fer dépassait le tonnage transporté par les bateaux. En 1846, une crue terrible dévasta de nombreux ateliers à Saint-Just et la fusion, en 1853, des trois lignes de chemins de fer (Saint-Etienne - Andrézieux, Saint-Etienne - Lyon, Saint-Etienne - Roanne), donnant naissance à la « Compagnie des chemins de fer de jonction du Rhône à la Loire », acheva définitivement la belle aventure de la batellerie.
.

.
Les Mariniers
Dur métier que celui de marinier ! Combien sont morts noyés au saut du Perron ou ont eu la main écrasée entre leur bateau et les rochers ? La dangerosité explique que leur rémunération était élevée : 1800 francs en 1710 contre 400 francs au tisseur. C'est en ces termes que les Amis du vieux Saint-Rambert évoquent les « charabias » de Saint-Just-Saint-Rambert : « Toujours bruyants, le verbe haut, ils juraient et sacraient dans un patois savoureux qui prêtait plutôt à rire qu'à facher ; au demeurant d'ailleurs, bons, braves, dévoués, intrépides, dédaigneux du danger jusqu'à la témérité, ils redevenaient au repas de grands enfants turbulents. Ils aimaient la bonne chair et fréquentaient les meilleures hôtelleries pour le plaisir d'y scandaliser les bourgeois. » La navigation se faisait sur le fleuve pendant six mois. Pendant les six autres mois, ils travaillaient le bois tandis que les femmes tissaient des rubans.
.
Couple de mariniers, photo de René Fessy
Ceinture de flanelle rouge, souliers bas à boucle d'argent, cercle d'or aux oreilles pour prévenir le mal aux yeux, chapeau de feutre
.
.La croix des mariniers
La verrerie et la teinturerie
.
Deux autres activités, mi-artisanales, mi-industrielles, ont tiré profit de la proximité du fleuve : la verrerie et la teinturerie. La verrerie de Saint-Just, aujourd'hui filiale de Saint-Gobain, fut créée en 1826 par ordonnance royale. La tenturerie est plus ancienne. Concernant la première, elle reste la seule en France, et une des rares en Europe à opérer le soufflage à la bouche du verre à vitrail. Elle propose d'ailleurs au public de visiter son atelier et de partir à la découverte de la fabrication du verre soufflé. Pas moins de 350 types de ce verre sont fabriqués à Saint-Just ! Pour l'anecdote, ce sont les verriers foréziens qui ont fabriqué les vitraux de la basilique de Yamoussoukro en Côte d'Ivoire et, plus près de nous, ont fourni le verre nécessaire à la réfection des vitres du château de Versailles, endommagées par la grande tempête de 1999.
.
.L'établissement de la verrerie en 1826 s'explique pour trois raisons : la proximité du charbon des mines de la Loire, le fleuve qui permettait à l'époque le transport des produits fabriqués, le sable nécessaire à la fabrication du verre.
.
.Quartier des verriers à Saint-Just dans les années 1900
.
.Vitrail du cinéma Le Family (détail), présenté à l'exposition internationale de Paris en 1937
.
La fabrication du verre soufflé en deux mots : les souffleurs de verre prélèvent, à l'aide d'une canne creuse, une boule de pâte incandescente d'environ 3,5 kg, chauffée à plus de 1000°C. Ils la façonnent grâce aux mouvements de la canne et créent le manchon, c'est à dire l'ébauche d'un cylindre. Puis le verrier souffle dans sa canne, gonflant le verre. Par un mouvement de balancier, il l'allonge ensuite jusqu'à lui donner la forme d'une grosse bouteille. Le manchon est alors séparé de la canne. Le long cylindre est coupé sur toute sa longueur et la plaque de verre, au moyen d'une palette, est aplatie. Puis cuite à nouveau avant de sortir des fours pour les dernières finitions. Quant au manchon, il est transporté vers un autre four pour y être ramolli.
.
.
La teinturerie fut fondée en 1818 par Abel, Hugo, Relave et Ciseron. Ce fut Hugo Soie Ennoblissement jusqu'en 2012. Elle fusionna alors avec les Teintures et Apprêts du Gand (Fourneaux dans le Roannais) et quitta le site forézien.
.
.
Evolution de la population de 1891 à 1999
.
.
.La superbe villa Belvédère (1900) à Saint-Just
.
.
tLa cheminée de la machine à vapeur de l'usine Grousset
.
Deux usines
Fondée en 1893, l'usine Gapiand appartient désormais au groupe Accor. Elle est spécialisée dans la fabrication de treillages en fil de fer. L'usine Grousset quant à elle fut fondée en 1904 par un fabricant d'automobiles de Firminy. Elle produit des écrous.
La Maison de retraite de la Loire
Avec 528 lits et places et 380 employés, elle est le 3ème établissement de France. A son origine, il y eut le sénateur Pierre Robert, qui incita dès 1925 le Conseil général à créer un établissement à destination des vieillards, infirmes ou incurables. Jusque dans les années 30 en effet, le département ne possédait pas de lieu d'accueil, hormis les hospices plus ou moins bien outillés, et les personnes âgées devaient être hospitalisées dans d'autres département, notamment à Sémur-en-Briennais (Saône-et-Loire). Il fut envisagé un moment de créer cet établissement dans la caserne désaffectée de Montbrison ou de transformer l'établissement de Saint-Jodard.
.
.Dortoir et cuisine dans les années 30
.
.
Mais le choix se porta sur l'établissement de la Congrégation des Frères des écoles chrétiennes, construit en 1898 au sein d'un domaine de dix hectares, pour accueillir le Noviciat général de l'ordre. Pendant la guerre, les militaires allemands prisonniers, Alsaciens-Lorrains d'origine, y furent concentrés. Le docteur Musy, maire de Saint-Rambert fit par la suite des démarches auprès des Hospices de Saint-Etienne pour en provoquer l'acquisition. En vain. Le Conseil général racheta les lieux pour 1 500 000 francs et engagea des travaux importants. Ce qui porta le coût total à plus de quatre millions de francs. La Maison de retraite ouvrit ses portes en 1933 (ou 34). Elle comptait alors quatre dortoirs de 60 lits chacun, avec leurs services annexes : toilettes, tisanerie et chambres d'isolement. L'infirmerie comprenait 15 lits. Chauffage central, nombreux lavabos à eau courante, machines à laver, bains-douches, cuisine équipée... tout le confort possible pour l'époque fut installé. Une ferme à proximité fournissait les légumes et le lait.
.

.
.Le Dr Musy, ancien maire de Saint-Rambert
.
Son premier directeur fut M. Hyppolite, ancien sous-directeur de l'hôpital de Bellevue à Saint-Etienne. Actuellement, elle est dirigée par Charles Dadon et certains bâtiments de l'établissement sont actuellement rénovés. Il s'agit des bâtiments « les Verriers » et « les Mariniers » destinés à notamment à l'hébergement des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer (quatre petites unités de chacune treize lits). Courant 2007, selon un entretien du directeur accordé à La Tribune-Le Progrès (janvier 2007), une cuisine centrale moderne devrait être construite. La Maison de retraite de la Loire propose aussi un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) qui permet de soutenir des personnes âgées à leur domicile sans qu'elles aient à venir nécessairement à la MRL. Ce service de vingt-six places dessert trois communes : Bonson, Saint-Just-Saint-Rambert et Chambles. L'établissement représente un budget total de 21 millions d'euros dont 17 en poste de fonctionnement et 4 en poste d'investissement. Il est supporté financièrement à la fois par l'Etat, le Conseil général et les résidents eux-mêmes.
.
.
.La chapelle de la Maison de retraite de la Loire
Buste d'un bienfaiteur à Saint-Just
Mellet Andard (1811-1872), fondateur d'un hospice ou d'un hôpital (?)
Aujourd'hui, un Centre de soins de longue durée porte son nom
.
.